« Quanto fis celsior potestate, tanto humilior fias pietate. »
« Soyez d’autant plus humble par la piété que le pouvoir vous fait plus grand. »
— Saint Augustin, Épîtres
S’il était un état qui pût prétendre à faire exception à la vocation générale de tous les chrétiens de parvenir à la sainteté, ce serait sans doute le premier état de la société, celui des monarques de la terre. Nulle part on ne rencontre des obstacles plus puissants, nulle part les distractions ne sont plus nombreuses, et nulle part le coeur de l’homme n’est plus en proie à mille agitations diverses.
Mais la grâce de Dieu, plus forte que tous les obstacles de ce monde, prodigue les richesses de sa puissance dans le coeur de ceux-là même qu’environnent les pompes de la terre, le faste et l’opulence des grandeurs. L’illustre saint Dagobert va nous en fournir une preuve éclatante.
Dagobert II, un des plus grands monarques d’Austrasie, était fils du roi saint Sigisbert et de la reine Himnehilde. Dès la plus tendre enfance il perdit son père, auquel il succéda d’abord sans aucune contradiction ; mais à peine eut-il essayé d’occuper le trône, qu’il en fut précipité par la trahison de Grimoald, fils du bienheureux Pépin de Landen et maire du palais du roi Sigebert. Ce dernier monarque avait cru pouvoir confier l’éducation de son fils à ce seigneur, espérant que les bienfaits dont il l’avait comblé seraient un motif suffisant pour l’attacher à son enfant ; mais il ignorait que l’ambition efface le souvenir des bienfaits reçus, et que l’ingratitude la suit de près : car ce ministre, que les intrigues et les cabales avaient rendu tout-puissant, gagna en peu de temps une partie des officiers de l’armée, et prétendant que Sigebert, n’ayant point encore d’enfant, avait promis le trône à son fils Childebert, il porta par des promesses les seigneurs de la cour à reconnaître ce dernier pour leur roi ; ainsi, après avoir fait raser le jeune Dagobert comme pour le dévouer à l’Église, il l’envoya en Irlande, où ce prince fut obligé de vivre longtemps ignoré. Didon, évêque de Poitiers et parent de Dagobert, eut la lâcheté de se prêter à une manoeuvre si odieuse et de conduire lui-même le jeune prince dans son exil.
Mais le ciel veilla sur cet enfant et lui donna un père dans la personne de saint Wilfrid, évêque de York, qui le fit élever selon les préceptes de l’Évangile. Dagobert acquit dans son exil les qualités nécessaires pour gouverner un jour avec sagesse. Cet exil fut une bonne école pour lui : il y apprit à mépriser l’éclat d’un trône périssable pour s’occuper de l’éternité. À mesure qu’il avançait en âge, il étudia les préceptes de notre sainte religion, et fit de l’Évangile le sujet de ses fréquentes méditations. Il connut de la sorte en quoi consiste la véritable grandeur, et ces considérations le portèrent à marcher avec courage dans le sentier de la vertu. “Heureux”, se dit-il, “le prince qui, avant de commander aux autres, sait se gouverner soi-même et exercer sur son propre coeur un empire sévère. Et à quoi lui servirait-il de se faire obéir par des milliers de sujets, s’il était lui-même un esclave de ses passions, si ses mauvais penchants le dominaient ? Et quel avantage lui reviendrait-il de voir son nom célèbre dans l’histoire des rois et des conquérants de la terre, si le Père céleste l’effaçait du livre de l’immortalité ?”
Telles étaient les graves pensées qui occupaient le jeune monarque sur la terre du malheur. S’il soupirait, comme autrefois les Israélites, après le moment de retourner dans une patrie chérie, ce n’était point pour y briller sur un trône éclatant et y recevoir les hommages de ses sujets ; c’était dans le désir d’y travailler au bien de son peuple, d’y faire fleurir la religion et d’y gouverner en roi chrétien. Il appréciait trop bien le poids d’une couronne, pour ambitionner de la porter sans remplir les devoirs que lui imposait la royauté. Sa tendresse pour ses peuples se réveilla surtout lorsqu’il apprit ce que le beau pays de France souffrait par les vexations et les abus de quelques grands, qui, sous prétexte du bien public, déchiraient le sein de leur patrie et ne cherchaient qu’à assouvir leurs haines personnelles et à satisfaire leur ambition. Plus d’une fois il fut sur le point d’abandonner la terre hospitalière et de retourner dans sa patrie, pour annoncer aux peuples qu’il vivait encore et faire valoir ses droits : mais alors, modérant sa noble ardeur, il renonça à son projet, en attendant que la Providence lui fournit l’occasion d’aller reconquérir l’héritage de ses pères, et il se contenta d’adresser au ciel des voeux pour sa patrie.
À peine ce jeune prince eut-il disparu, qu’on répandit partout le bruit de sa mort. Grimoald poussa l’infamie au point de lui faire faire de magnifiques funérailles, afin de tromper plus sûrement les peuples et de couvrir par là l’odieux de son usurpation : car il fit presque aussitôt proclamer roi son propre fils, prétendant que Sigebert l’avait adopté. Les peuples furent trompés et ne reconnurent point cette indigne supercherie : mais la reine Himnehilde protesta contre cette infâme trahison, et ne pouvant, dans le moment même, instruire les peuples de la vérité, elle prit le ciel à témoin qu’elle n’entendait nullement voir les siens exclus du trône, et se réfugia à Paris auprès de Clovis II, son beau-frère. Les grands d’Austrasie ne furent pas longtemps sans revenir de leur enthousiasme pour l’usurpateur. Car les violences de Grimoald aliénèrent petit à petit les esprits, et après un règne de sept mois, ils détrônèrent Childebert, et placèrent sur le trône Clovis II, frère de Sigebert, qui réunit ainsi tout le royaume de France sous son sceptre : mais celui-ci mourut en 657, et laissa la monarchie à Clotaire III, son fils aîné, qui avait à peine cinq ans.
Clotaire III posséda l’Austrasie jusqu’en 660, époque à laquelle elle fut donnée à Childéric, le second fils de Clovis, lequel gouverna ce royaume sous la régence de Himnechilde et épousa sa fille, soeur de Dagobert.
Ce jeune prince continuait à vivre inconnu dans son exil, attendant que le ciel se déclarât enfin en sa faveur. Il épousa, par l’entremise de saint Wilfrid, une princesse saxonne [Gisèle, fille de Béra II comte de Rhedae et petite-fille de Tulca, roi des Wisigoths], dont il eut un fils qu’il nomma Sigebert ¹, et quatre filles, Irmine, Adèle, Rathilde et Ragnétrude. Pendant que Dagobert s’appliquait à donner une éducation chrétienne à ses enfants, quelques seigneurs austrasiens attachés à Himnehilde et plein de vénération pour la mémoire de Sigebert [III], songèrent à le rappeler. Ils écrivirent à cet effet à saint Wilfrid et le prièrent de leur renvoyer leur roi légitime, pour le placer sur le trône de son père. Le saint prélat ramassa dans le pays une forte somme d’argent et engagea les princes anglais à lui donner du secours pour repasser en Austrasie. Dagobert partit aussitôt, mais ne put d’abord reconquérir ses droits ; alors Himnehilde demanda à Childéric l’Alsace et quelques cantons situés au-delà du Rhin, où Dagobert vint régner plutôt comme lieutenant de Childéric que comme véritable souverain. Ce dernier ayant été assassiné en 673, Dagobert recouvra tout le royaume d’Austrasie.
Les peuples avaient enfin entendu parler des vertus que ce prince avait pratiquées dans une terre étrangère ; ils s’attendaient à un règne heureux, et ils ne furent point trompés dans leur espoir. Jamais monarque ne veilla avec plus de soins sur les intérêts de ses sujets. Il leur rendit dans toutes les occasions une rigoureuse justice, et se fit chérir par la douceur de son gouvernement. La piété était le fondement de ses vertus et l’âme de toutes ses entreprises. On voyait se réaliser en lui ce que l’Apôtre avait dit autrefois “que la piété était utile à tout ; que non-seulement elle promettait des récompenses dans ce monde à ceux qui mettent en pratique ce qu’elle enseigne ; mais qu’elle leur assure encore des dons bien plus grands au-delà du tombeau”. La vie de Dagobert est une réponse énergique et irréfragable à ces détracteurs de la religion, qui osent prétendre que la vraie piété rétrécit le génie, énerve le courage et empêche l’homme de concevoir et d’exécuter rien de grand. Qu’on interroge l’histoire, qu’on examine les faits, et on verra ce prince lutter avec avantage contre la barbarie de son siècle, s’efforcer à effacer jusqu’aux dernières traces de la fureur destructrice des Vandales et des Huns, qui avaient fait des plus belles provinces un affreux désert. Dagobert, persuadé que la religion pouvait seule adoucir le sort des peuples et guérir les plaies profondes que deux invasions de barbares avaient faites partout, appela à son secours la puissance bienfaisante de cette religion et arrêta par elle le cours des maux publics. Non content de remplir avec une exactitude scrupuleuse les devoirs que le christianisme lui imposait, il chercha encore à faire participer ses peuples à l’influence salutaire des grâces qu’il procure, en fondant diverses maisons religieuses. C’est à sa générosité que les monastères de Surbourg, de Haslach et de Saint-Sigismond durent leur existence. Il trouva dans une sage administration des revenus de l’État les moyens d’enrichir ses provinces d’établissements aussi importants qu’utiles à cette époque. Son palais offrait toutes la régularité d’un monastère ; il était ouvert au dernier des sujets, qui pouvait en toute liberté aborder son roi et lui exposer sa situation. Jamais le pieux prince n’écouta les suggestions des flatteurs ; il bannit de sa cour ces hommes fourbes et scélérats, qui se jouent si indignement de la confiance des monarques et les trompent. Il aimait la vérité et la disait de même avec une franchise vraiment royale.
C’est à son zèle pour la religion que le diocèse de Strasbourg fut redevable de deux de ses plus illustres pontifes, saint Arbogaste et saint Florent, qui jouirent de sa plus intime confiance. Le premier de ces prélats obtint pour sa cathédrale le domaine de Rouffach et le château d’Issenbourg, en reconnaissance de l’insigne bienfait que le Seigneur avait accordé à Dagobert en lui rendant un fils chéri, blessé à mort par une chute de cheval [1]. Schadée rapporte que Dagobert fit en outre à la même église de magnifiques présents, consistant en plusieurs reliquaires, un calice d’or et un livre d’Évangiles garni d’or et de pierres précieuses. Réunissant ainsi toutes les vertus chrétiennes et royales, le monarque d’Austrasie était grand devant Dieu et devant les hommes, et cette grandeur, il la devait tout entière à la religion : loin d’en rougir, il s’en faisait même une gloire. Il menait une vie fort austère et pratiquait rigoureusement les jeûnes prescrits par l’Église. Sa table prêchait toujours la sobriété, même aux étrangers : il aimait mieux répandre en aumônes les sommes qu’il aurait pu dépenser en repas somptueux et en mets délicats.
Le bas-relief en bois à l’entrée de l’abbatiale Saint-Jean-Baptiste, à Surbourg, montre Arbogast ressuscitant Sigebert IV, fils du roi Dagobert II. (Photo: Guy Lerdung / Facebook)
Dagobert avait pris l’habitude de s’approcher souvent de la divine Eucharistie. Il se préparait toujours avec une admirable ferveur à la réception de cet auguste sacrement. Le Seigneur le comblait chaque fois de grâces particulières : de là ses progrès dans la perfection. L’Eucharistie a toujours fait et fait encore de nos jours les délices des Saints : elle les a fortifiés dans leur faiblesse, et est devenue pour eux une source de consolations dans cette vallée de larmes.
Pendant que Dagobert donnait à son royaume l’exemple des plus hautes vertus, il eut la consolation de voir en Alsace le bienfaiteur auquel il devait tout. Saint Wilfrid, devenu à son tour l’objet de persécutions de ses ennemis, quitta son diocèse pour aller à Rome chercher auprès du Saint-Siège quelques secours contre des agressions injustes. Dagobert, désirant s’attacher un homme d’un si grand mérite et lui témoigner en même temps sa vive reconnaissance des bons offices qu’il en avait reçus, lui offrit l’évêché de Strasbourg, qui venait de vaquer par la mort de saint Arbogaste : mais Wilfrid était trop attaché à son troupeau pour l’abandonner si facilement ; il savait que les persécutions sont le propre des disciples d’un Dieu mort sur la croix, et loin d’abattre son courage, elles ne faisaient que l’augmenter. Il refusa donc l’offre du monarque austrasien, et continua sa route vers Rome.
Pour montrer son humble confiance en la sainte Vierge, Dagobert se voua lui-même comme serf de la cathédrale de Strasbourg. Son exemple porta la plupart des seigneurs de sa cour à l’imiter. Ces seigneurs, malgré leur titre de serf, conservaient cependant toujours leur liberté. Lorsque l’évêque pouvait les convaincre de félonie ou d’avoir trahi les intérêts de son église, soit par conseils, soit de fait, ils étaient condamnés à une forte amende. La consécration des serfs de l’église de Strasbourg se renouvelait tous les ans, le 27 février.
Dagobert avait perdu dans son enfance le trône de ses pères par l’ambition d’un maire du palais ; il va perdre la vie par les intrigues d’un autre. Ebroïn, homme cruel et sanguinaire, le même qui a trempé ses mains dans le sang de saint Léger, évêque d’Autun, abusait alors de la confiance de Thierry III et cherchait à démembrer le royaume d’Austrasie, pour augmenter sa domination et diminuer celle de Dagobert. Ce dernier, après avoir appris la conduite d’Ebroïn, s’adressa à Thierry et lui exposa ses sujets de plainte contre les entreprises injustes de cet ambitieux maire du palais. Pour mettre de son côté toute la justice, Dagobert fixa un délai, dans lequel on devait lui restituer les provinces qu’on avait détachées de l’Austrasie : mais ce délai expiré, Thierry ne se mit nullement en peine de satisfaire à la demande de Dagobert. Quoique ce pieux prince sût que le plus grand fléau par lequel le Seigneur puisse punir un empire, c’est de lui envoyer la guerre, il crut cependant devoir la déclarer à Thierry, afin de se maintenir dans la possession de ses États et obtenir en même temps la restitution des provinces que Thierry retenait si injustement. Dagobert recommanda toute cette affaire à Dieu, et le prit à témoin de la pureté de ses intentions. Il convoqua les grands de son royaume et les instruisit des motifs qui avaient dicté sa résolution. Tous furent d’avis de repousser par les armes les prétentions de Thierry et de lui arracher par la force les provinces qu’il ne voulait pas céder au bon droit.
Dagobert se prépara à la guerre en roi chrétien. Pendant que l’armée s’assemblait avec ses chefs, le pieux roi, couvert d’un rude cilice, pratiquait des jeûnes et des austérités, afin de se rendre le ciel propice. Mettant ensuite toute sa confiance en Dieu, il s’avança à la tête de son armée. À l’exemple de David, il pouvait dire : “Ceux-là espèrent dans le nombre de leurs chars et la vitesse de leurs coursiers ; mais nous autres, nous invoquerons le nom du Seigneur notre Dieu”. Cette armée, qui était animée des mêmes sentiments que son roi, se faisait remarquer par la sévérité de sa discipline. Ce n’était point un corps que rassemblait l’espoir d’un riche butin ; il ne s’était armé que pour soutenir les droits légitimes de son prince. Les deux armées, arrivées sur les frontières de la Lorraine et de la Champagne, attendaient d’un moment à l’autre le signal du combat. Dagobert s’y préparait de nouveau par une prière fervente, lorsqu’il vit arriver dans son camp des envoyés qui l’invitèrent à une conférence, afin, disait-on, de terminer cette querelle amicalement et empêcher par là l’effusion du sang français. Le sage monarque témoigna aux envoyés combien il se félicitait de pouvoir finir cette affaire d’une manière également honorable et chrétienne, et après avoir donné ses ordres aux chefs de l’armée, il partit avec les envoyés, sans escorte ; se confiant à l’honneur de ces guerriers, il traversa avec eux la forêt de Woëvre, pour se rendre au lieu désigné. Mais faut-il donc que les Saints deviennent victimes de la perfidie d’un lâche scélérat ? À peine Dagobert était-il assez enfoncé dans la forêt pour ne plus être vu des siens, qu’il tomba dans une embuscade que lui avait dressée Ebroïn, et fut impitoyablement massacré par la main de Grimoald son filleul, le 23 décembre de l’an 679. C’est ainsi qu’un prince magnanime, qui avait fait le bonheur de ses sujets, termina sa carrière, lâchement assassiné par un vil mercenaire, au moment où, sans gardes, il s’était transporté, sur la foi jurée, au lieu où devait se terminer cette querelle.
On chercha d’abord à cacher cette mort, afin d’en dérober la honte, qui rejaillissait sur Thierry et ses conseillers criminels. Mais lorsque l’armée de Dagobert l’eut apprise, elle entra dans une fureur extraordinaire et voulut à l’instant même venger son chef malheureux. Les officiers eurent de la peine à réprimer ce noble courroux ; mais ils exposèrent que ce prince étant victime d’une infâme trahison, il jouissait déjà au ciel du fruit de ses vertus, et qu’il ne fallait pas conséquemment ensanglanter la victoire qu’il venait de remporter ; que d’ailleurs la religion que le roi avait professée avec tant de courage, défendait une effusion de sang qui n’aboutissait à aucun avantage. Ces considérations calmèrent l’effervescence des soldats ; les cris de fureur et les plaintes firent place à l’admiration. Chacun se plaisait à raconter les belles qualités d’un prince digne d’un meilleur sort, et à faire l’éloge de ses vertus. La voix publique plaça Dagobert au nombre des Saints, et le genre de sa mort le fit regarder comme martyr.
Saint Ouen, archevêque de Rouen, obtint avec peine le corps du saint monarque et le fit transporter dans son église. Il fut transféré plus tard dans l’église de Saint-Rémi de Stenay qui prit bientôt son nom. Il y attira les fidèles qui venaient de l’Austrasie et de la Belgique implorer la protection de leur monarque bien-aimé. En 872, l’archevêque Hincmar de Reims exhuma saint Dagobert et mit ses ossements dans une châsse ; mais, en 1591, les Huguenots pillèrent l’église de Stenay, et enlevèrent sa châsse d’argent, ornée de fleurs de lis d’or (extrait de l’Histoire des Saints d’Alsace, par M. l’abbé Hanckler ; et de l’Histoire de Verdun et du pays Verdunois, par M. l’abbé Clouët).
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SOURCE — Mgr Paul Guérin : « Saint Dagobert II, roi d’Austrasie, martyr, patron de Stenay, au diocèse de Verdun ». Les petits Bollandistes, vies des saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, tome XIV. Paris 1888, pp. 424-429.
(1) Mgr Paul Guérin, né à Buzançais le 8 mars 1830 et mort à Châteauroux le 20 juin 1908, est un prêtre, professeur de philosophie, écrivain et camérier de Léon XIII. Il est surtout connu pour être l’auteur de la série “Les Petits Bollandistes : vie des Saints” dont les quinze volumes (1866-1869) furent plusieurs fois réédités. Dans l’Église catholique romaine, le camérier est un membre de la Famille pontificale, chargé du service personnel du pape.
Nous pouvons donc affirmer sans réserve que la mention du fils de Dagobert II, Sigisbert IV, dans l’ouvrage de Mgr Guérin avait l’aval de l’Église catholique romaine.
Ce n’est certainement pas un hasard si les armoiries du Pape Léon XIII sont visibles sur le fronton de l’église de Rennes-le-Château, avec sa devise “Lumen in Coelo” (Lumière dans le ciel), telle qu’elle est présentée dans la Prophétie de saint Malachie. Il s’agissait du Pape officiant à Rome du temps de l’abbé Saunière et le texte de la prophétie était connu, même s’il n’est pas utilisé officiellement par l’Église. Léon XIII a lui-même affirmé : « La première règle de l’histoire est de n’oser rien affirmer de faux, ni de taire quelque chose de vrai. »
— Sæpenumero considerantes (18 août 1883)
NOTE :
[1] Aucun auteur ne sut prouver la mort de Sigisbert IV suite au meurtre de son père dans la forêt de Woëvre. Le franciscain R.P. Vincent écrit : “Quant au Prince Sigisbert fils de Dagobert, apparamment qu’il mourut dans la même conjoncture que son père, ou peu de temps après, car l’auteur qui a continué la chronique de Fregédaire, dit positivement que les rois, c’est-à-dire Dagobert et son fils Sigisbert étaient morts en Austrasie, Defunctis Regibus, lorsque le duc Martin et Pépin d’Héristal reprirent les armes contre le roi Théodoric et Ebroïn, pour venger leur mort” (Abrégé de l’histoire du roi Dagobert II du nom, fils de saint Sigisbert, Nancy 1702). Tout ceci n’est donc que suppositions. Il serait fort douteux que les hommes de Dagobert II ne se soient pas saisis rapidement de son fils pour le faire fuir sur les terres du comte de Rhedae, son grand-père maternel.
Gérard de Sède écrivait à propos du livre de R.P. Vincent : “Regardez bien la page de titre. Sous couleur d’une citation de saint Jean vraiment insolite en cet endroit, l’auteur y avait glissé une phrase clef : Il est au milieu de vous et vous ne le connaissez pas. Voici la phrase dont Louis XIV avait peur : “[Pépin d’Héristal] prit le roi Théodoric, il se rendit le maître absolu des deux Frances, pouvant se dire, sans être roi, le Roi des Rois”. Quelques jours après sa publication, Louis XIV fit saisir le livre et mettre au pilon (La race fabuleuse, éd. J’ai Lu, 1973).
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Selon la “Vita Sancti Arbogasti Episcopi Argentinensis In Germania Prima”, un récit hagiographique du Xe siècle, Arbogast a trouvé un ami chaleureux dans le roi mérovingien Dagobert II d’Austrasie, qui a régné en Austrasie 673-679. À l’avènement de Dagobert, Arbogast fut nommé évêque de Strasbourg et était célèbre pour sa sainteté et ses miracles. (Répertoire Fontium 11, 280)
Toujours selon la Vita, Sigebert, le fils unique du monarque, chassant dans la forêt d’Ebersheim, se vit attaqué avec furie, par un sanglier d’une grosseur énorme que les chasseurs poursuivaient. Le jeune prince, isolé à ce moment des autres chasseurs, ne put contenir son cheval effrayé à la vue de la bête furieuse : sa monture se cabra, le jetant et le piétinant alors que son pied était coincé dans son étrier. Ses compagnons le trouvèrent et le ramenèrent chez lui, où il mourut le lendemain.
Dans sa grande détresse, le roi Dagobert convoqua Arbogast, et le saint homme pria sainte Marie, mère de Jésus : comme elle avait porté la vie du monde entier, n’intercéderait-elle pas pour la vie de ce seul garçon ? Sigebert se leva dans son linceul funéraire et ressuscita.
Plein de reconnaissance, le roi a offert de l’argent à l’évêque Arbogast en récompense, il a refusé, suggérant plutôt que des terres soient données pour construire une cathédrale à Strasbourg. Le roi et sa jeune épouse Mathilde cédèrent à l’Eglise de Strasbourg, le château d’Isenbourg avec les domaines environnants, ce qui constitua dès lors le « Haut Mundat ». Ce fut là l’origine de la souveraineté temporelle des évêques de Strasbourg. Le Saint, entouré désormais d’un nouveau prestige, ne voulut rien accepter pour sa personne, mais seulement pour son Eglise « ad augendum Dei servitium in Ecclesia beatae Matris Christi ».
Selon la Vita, Arbogast mourut en 678 et fut enterré à l’extérieur de la ville. Il a été enterré soit dans l’ancienne nécropole romaine, soit sur le côté de la colline du pendu, où se trouvait une potence et seuls les malfaiteurs étaient enterrés. Le site de sa sépulture a ensuite été jugé approprié pour une église et une chapelle a été construite en l’honneur de Saint-Michel. Arbogast est commémoré le 21 juillet.
Arbogast apparaît sur les armoiries de Batzendorf, dans la circonscription administrative du Bas-Rhin.
En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).