Le Congrès marial à Ottawa en juin 1947— La pérégrination de l’Arche d’Alliance allégorique

Reposoir du Congrès marial

Exception faite de la visite de Jean-Paul II à Ottawa, en 1984, la plus grande manifestation religieuse dans la capitale fédérale du Canada demeure le Congrès marial tenu du 18 au 22 juin 1947. Cet événement soulignait le centenaire de la fondation du diocèse de Bytown/Ottawa et attire près d’un million de fidèles. Le congrès avait pour but d’approfondir la spiritualité mariale en rappelant le sens des expressions Mère de Dieu, Mère du Verbe, Mère du Christ, Mère de l’Église, Mère des hommes, Reine du ciel et Reine du monde.

Archevêque d’Ottawa depuis le 22 mai 1940, Mgr Alexandre Vachon était le maître d’œuvre du Congrès marial. Il réussit à faire venir soixante-quatre trains spéciaux qui déversent des milliers de congressistes à Ottawa.

Des personnes de trente-huit langues différentes s’inscrivent au cours de la semaine pour participer à la dévotion filiale de Marie. Au total, quarante-huit pays envoient des représentants aux assises. Les fêtes religieuses publiques sont à divers endroits de la ville, permettant ainsi aux résidents et visiteurs d’être témoins de démonstrations d’une grande envergure et de processions en plein air.

Les Fêtes mariales de 1855 à Ottawa. Causerie préparée pour la publicité radiophonique du Congrès marial d’Ottawa
Les Fêtes mariales de 1855 à Ottawa. Causerie préparée pour la publicité radiophonique du Congrès marial d’Ottawa

Le Congrès marial d’Ottawa demeure un événement à très grand déploiement: vingt chars allégoriques lors de la procession mariale du 21 juin et trente chars allégoriques durant la procession eucharistique du 22 juin. Pas moins de 150 000 personnes reçoivent la communion au Colisée d’Ottawa, transformé alors en chapelle de la Paix. L’énorme reposoir érigé au parc Lansdowne accueille 112 hauts dignitaires ecclésiastiques (cardinaux, archevêques et évêques) et la messe pontificale du 22 juin attire 125 000 personnes. Les fidèles étaient venus prier pour la paix dans le contexte difficile du début de la guerre froide et de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le congrès a vu les œuvres artistiques de Simone Routier, Jules Martel et Louis-Marie Guay qui ont été présentées au théâtre Capitol et au parc Lansdowne. Des expositions religieuses, des jeux lyriques et des spectacles avec de nombreux figurants costumés étaient offerts à l’Auditorium d’Ottawa.

Quant à la troupe de théâtre Le Caveau d’Ottawa, elle présenta Notre-Dame du Bel Amour, de Soeur Paul-Emile, s.g.c., et Simone Routier, au théâtre Capitol d’Ottawa, du 15 au 22 juin. L’oblat Jules Martel fonda la Chorale du Congrès marial qui s’exécuta au parc Lansdowne (elle devient le Choeur Palestrina en 1948).

En la dernière journée de congrès, la foule est à son comble avec 500 000 personnes présentes. Ce fut un événement très solennel qui marqua profondément les consciences à l’époque. Mgr Vachon, qui avait planifié l’ensemble des événements, en fut récompensé par le pape Pie XII en étant nommé comte romain, ce qui lui permettait de célébrer la liturgie dans le cercle intime du pontife romain. Le cinéaste Maurice Proulx a filmé les jours du congrès.

Le statut particulier du Québec

Le Congrès marial d'Ottawa

Lors de son discours du 18 juin, son Éminence le Cardinal McGuignan, archevêque de Toronto et légat de Sa Sainteté le pape Pie XII, insista sur le caractère distinct du peuple Québécois : « Ils ont la conviction imprégnée dans leurs âmes par les enseignements de leurs chefs spirituels qu’en s’attachant sans fanatisme à leurs traditions religieuses et ethniques, ils demeurent les artisans efficaces de liberté, de vérité, de force et de progrès. À ce titre, ils ont l’ambition de jouer un rôle de premier ordre dans la Cité, et ils se flattent de trouver le moyen de sauvegarder l’unité dans la diversité : unitas in diversitaste ». Il poursuit plus loin : « Les Canadiens Français s’honorent d’être les héritiers des premiers pionniers de ce pays. Ils ont reçu de nobles traditions, et de toutes ces traditions celle qui leur est la plus chère, c’est la foi catholique ».

Le 18 juin 1947, Pie XII prononça ces paroles dans un Bref Papal : « Nous plaçons notre espérance dans le Canada plein d’activité et très florissant pour la tâche si urgente et si grave de tout restaurer dans le Christ, de ramener le monde, hélas ! trop dévoyé, à la loi et à l’esprit de l’Évangile, et de le rétablir dans l’ordre et la tranquillité tant désirés ». Le pape souhaite ainsi « que nous soyons les amis insignes et les hérauts éloquents de cette vérité et de cette liberté qui sont de Dieu et qui mènent à Dieu ». Le Cardinal McGuignan profita de l’occasion pour préciser que « le souverain pontife a l’intime conviction que le Canada est, demeure et sera toujours un rempart puissant de liberté dans la justice et la charité ».

Lors de la messe célébrée le 22 juin 1947, les évêques ont dit : Dieu pourra alors dire du Canada ce qu’il disait d’Abraham : « Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand et tu seras une source de bénédiction, et toutes les familles de la terre seront bénies en toi ». Lors de la consécration du Canada à la Vierge Marie, le grand Cardinal Gerlie s’écria pour sa part : « Ô Canada, soit fier, tu ajoutes aujourd’hui une page magnifique à la plus glorieuse des histoires ».

L'Arche d'Alliance - Notre-Dame du Cap
L’Arche d’Alliance – Notre-Dame du Cap

À l’exemple de la France qui a vu passer la statue de Notre-Dame de Boulogne à travers des centaines et des centaines de paroisses depuis 1938, à la suite du troisième centenaire de la consécration de la France à Marie par le roi Louis XIII, le Canada a été témoin lui aussi des pérégrinations d’une statue mariale : celle de Notre-Dame du Cap, à Trois-Rivières au Québec.

Partie du Cap-de-la-Madeleine le 1er mai 1947, la madone a parcouru une distance de près de 484 Km en 47 jours, sous le vocable très significatif et symbolique de Arche d’Alliance. Partout sur son passage les fidèles se sont portés à sa rencontre et ont élevé leurs prières vers le ciel pour obtenir les bénédictions de la Souveraine sur le monde tourmenté.

Le Père Henri Thomas, oblat de Marie Immaculée, accompagna le périple de Notre-Dame du Cap qui sillonna la province jusqu’à Ottawa pour le congrès marial, qui fut un rassemblement prodigieux. C’est lui qui avait la charge de faire chanter les foules  : 500 000 personnes, ce fut son jour de gloire…

Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap – Le Prodige des yeux

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Le Cardinal McGuignan disait lors de son discours : « Les Canadiens Français ont aussi un culte spécial pour Marie, Mère du Sauveur. Ils ont élevé en son honneur sur tous les points de notre immense territoire des temples magnifiques qu’ils remplissent fièrement de leur présence et de leur filiale piété. Ils placent bien au-dessus d’elle le culte d’adoration qu’ils rendent à Dieu Tout-Puissant trois fois saint, mais leur vénération envers Marie est d’une incomparable tendresse ».

Ce qu’on appelle le « Prodige des yeux » constitue le deuxième « événement fondateur» du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap. Le premier étant celui du Pont de glace.

Statue religieuse (Notre-Dame du Cap). © Musée des religions du monde 2010
La statue religieuse Notre-Dame du Cap.

Une fois la construction du nouveau temple terminé, l’ancienne petite église est libre. Le curé Luc Désilets peut remplir sa promesse et la dédier à la Vierge Marie. La cérémonie aura lieu le 22 juin 1888. Cette date est à retenir: elle marque le commencement du Sanctuaire Notre-Dame du Cap. Le père Frédéric, franciscain, (le Bienheureux Frédéric Jansoone) participe à la célébration et donne le sermon. Il a des paroles « prophétiques » : « Dorénavant, ce sanctuaire sera celui de Marie. Des pèlerins viendront de toutes les familles de la paroisse, de toutes les paroisses du diocèse et de tous les diocèses du Canada ».

Jusque-là, la statue de la Sainte Vierge s’était trouvée dans la chapelle latérale de la petite église. Après la messe de ce 22 juin, elle fut placée au-dessus du maître-autel où elle est toujours depuis. L’ancienne église paroissiale de Sainte-Marie-Madeleine devenait officiellement le Sanctuaire de Notre-Dame du Très Saint Rosaire. C’était là le titre de la Vierge honorée à Cap-de-la-Madeleine.

Ce même jour du 22 juin 1888, vers 19 heures du soir, trois hommes entrèrent prier dans la petite église nouvellement dédiée à la Vierge du Rosaire. C’était le curé Désilets, le père Frédéric et M. Pierre Lacroix, un homme handicapé. Pendant qu’ils priaient devant la table de communion, quelque chose d’extraordinaire se produisit. Voici comment le père Frédéric en a parlé : « La statue de la Vierge, qui a les yeux entièrement baissés, avait les yeux grandement ouverts; le regard de la Vierge était fixe; elle regardait devant elle, droit à sa hauteur. L’illusion était difficile : son visage se trouvait en pleine lumière par suite du soleil qui luisait à travers une fenêtre et éclairait parfaitement tout le sanctuaire. Ses yeux étaient noirs, bien formés et en pleine harmonie avec l’ensemble du visage. Le regard de la Vierge était celui d’une personne vivante; il avait une expression de sévérité, mêlée de tristesse. Ce prodige a duré approximativement de cinq à dix minutes ».

Il est possible de voir la webcam de la statue de la Sainte Vierge en visitant le site internet du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, à cette adresse : www.sanctuaire-ndc.ca.

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RÉFÉRENCES :

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