La référence explicite à la légende arthurienne, qui dans la mosaïque de la cathédrale d’Otrante est marquée par la représentation du roi Arthur chevauchant une chèvre, ne représente pas un cas isolé sur le territoire des Pouilles, mais est chronologiquement précédée et suivie de deux autres œuvres architecturales majeures : la Basilique San Nicola de Bari construite entre 1089 et 1197 et l’immense et énigmatique bâtiment de Castel del Monte construit entre 1240 et 1250.
La Basilique San Nicola a été construite pour contenir les restes de saint Nicolas de Myre rapportés le 7 mai 1087 en Italie, en provenance de Terre sainte, grâce à une expédition audacieuse de certains marchands.
Les caractéristiques miraculeuses attribuées aux reliques du saint ont de nombreuses affinités avec les pouvoirs de guérison attribués au Graal, mais l’aspect le plus intéressant de cet ouvrage est certainement la représentation du roi Arthur avec une représentation stylisée de la cachette de la précieuse coupe. Sur le flanc nord, la Porte des Lions, la représentation de chevaliers en guerre armés d’un armure normande, munis d’un bouclier de lance et d’une épée et combattant sur les côtés d’un bâtiment en forme de tour, est particulièrement intéressante. La représentation a été liée à celle du “Duomo di Peschiera” de Modène, qui porte les chevaliers du cycle arturien, en indiquant leurs noms.
Le discours pour le Castel del Monte est différent. La légende veut que la construction voulue par l’empereur du Saint Empire, Frédéric II de Hohenstaufen, ait été faite dans le seul but de cacher la précieuse coupe. Que la légende soit vraie ou non, il est certain que le château ne semble pas avoir été construit comme un lieu d’habitation, ni comme une simple forteresse, et le but pratique reste flou à ce jour. La construction est riche en symbolisme ésotérique. La légende raconte que les Templiers avaient confié le Graal à l’empereur afin de le préserver des destructions déclenchées par les croisades.
À ce stade, il est intéressant de savoir quand apparaîtront sur la scène littéraire les histoires liées au roi Arthur et au Graal. L’œuvre la plus célèbre qui parle du Graal remonte à 1190 avec la publication de Perceval le Gallois ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, mais la première véritable histoire littéraire de l’histoire du roi Arthur peut être datée de l’année 940 : les Annales Cambriae dont les histoires couvrent une période de 533 ans à partir de 447. Le texte qui donne toutefois naissance à la légende du roi Arthur est l’œuvre Historia Regnum Britannie de Geoffrey de Monmouth complétée en 1139. Nous pouvons donc affirmer avec certitude que le moine basilien et mosaïste médiéval Pantaleone possédait, même de ce point de vue, tous les éléments légendaires déjà bien formés qui sont à la base des légendes arthuriennes, mais il reste à comprendre pourquoi il représente le roi dans la mosaïque.
En effet, le roi Arthur est représenté dans la mosaïque de la cathédrale d’Otrante, dans la province des Pouilles, en Italie. Sur la base de ces observations, le texte marqué par le moine Pantaleone contient la formulation suivante :
REX ARTUS UR-US
Cela ne peut s’empêcher de suggérer de lire :
REX ARTUS URSUS
Si telle avait été la véritable intention de Pantaleone, il ne pourrait pas choisir un moyen plus approprié pour une représentation qui, tout en contenant le nom du roi, garde cette clé de deuxième lecture relativement claire et accessible. Artus Ursus est le nom scientifique utilisé pour décrire l’ours brun marsicain répandu en Italie, mais quel autre sens peut-il avoir ? Qui était le Roi des Ours, quels documents attestent d’une relation entre ce nom et le roi Arthur ? Commençons par mettre en évidence une clé de première lecture reposant, là encore, sur une langue répandue sur le territoire français et liée à la période mérovingienne : le celtique. Dans cette langue, art ou arth a en fait la signification de ours, et Ours était un nom typique attribué aux guerriers les plus courageux.
Les Celtes, en fait, avaient une véritable vénération pour cet animal au pouvoir impressionnant, mais les affinités entre les Celtes et l’histoire du roi Arthur ne s’arrêtent pas là.
La terre dans laquelle se déroulent les récits arthuriens, Avalon, est un autre terme d’origine celtique qui signifie Terre sainte. À ce stade, il est clair que Pantaleone, par sa représentation, suggère non seulement le lien entre Arthur et les Celtes, mais aussi une référence implicite à la conquête de la Terre Sainte par les Croisés, ce qui semble être le seul élément de représentation explicite dans la mosaïque. Le roi Arthur est donc le pont entre le Roi des Ours, l’origine du nom et le but de sa mission : la reconquête de la Terre Sainte.
Nous nous tournons maintenant vers une autre légende moderne, celle du Prieuré de Sion, un ordre dont les origines sont racontées dans le texte de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln, « L’énigme sacrée », et dans d’autres œuvres telles que celles de Lionel Fanthorpe. Parmi les nouvelles rapportées par cette nouvelle légende, il y a celle de la fondation du monastère d’Orval par un groupe de moines basiliens calabrais conduits par un certain prince Ursus qui, à partir de 1070, se rendit en France, dans les Ardennes. Cette étrange histoire est également confirmée par l’Encyclopédie Catholique qui date la fondation de l’abbaye par les moines calabrais en 1071 et son abandon en 1110.
La mosaïque de la cathédrale d’Otrante dans la province des Pouilles en Italie.
Le problème reste l’identification du mystérieux prince Ursus qui aurait dirigé l’expédition. Tout d’abord, la plausibilité d’un tel nom en Italie au cours de la période en question doit être vérifiée. Commençons tout de suite par l’observation qu’en 1058, Godefroy de Bouillon (italien: Buglione) et le duc Guillaume de Normandie, invités par le pape Étienne IX, descendent dans le sud de l’Italie et atteignent la Calabre. L’occupation normande met fin à l’occupation lombarde. Durant cette période, un nom inconnu commence à se répandre dans les terres du sud et d’origine clairement nordique : Ursus. Suit l’un des premiers documents attestant la présence de ce nom en Campanie. Le texte, daté d’octobre 1127, montre un acte notarié devant le juge Alferio, dans lequel un tel Urso de Inga, fils de Falco, partage ses biens entre Montoro et Sant’Agata :
« Urso de Inga figlio di Falco, alla presenza del giudice Alferio, assegna al figlio Urso un vigneto ed un castagneto, siti in località Sant’Agata ed un querceto sito in località Valle della Mela, impegnandolo a contribuire al pagamento delle tasse in ragione di 2 tarì annui e a non avanzare ulteriori pretese sugli altri beni paterni da destinarsi agli altri eredi. »
— 166. CARTULA DIVISIONIS. 1127 – ottobre, ind. VI, Montoro. Originale, PERGAMENA N. 163, mm. 165×420; scrittura beneventana. Biblioteca Statale di Montevergine —
L’origine de la célèbre famille Orsini est liée au nom Ursus, qui selon une tradition appartenait aux papes Paul Ier (787) et à Eugène II (824), et qui appartenait certainement au pape Celestine III (1191), fils de Pietro Bobo. Un autre document fondamental est la 18ème épître de saint Paolino, évêque de Nola, datable de 398 et destinée à l’évêque de Rouen en Normandie, dans laquelle Paolino parle d’un chrétien nommé Orso confirmant la très ancienne présence de ce nom dans cette région de France. Donc, Ursus est un nom que nous trouvons en France et qui est plausible en Italie, l’année où se situe l’épisode du voyage des moines basiliens. Il est lié à des nobles d’origine normande et fait son apparition au moment de la venue de Godefroy de Bouillon en Italie. L’histoire racontée est donc fiable en ce qui concerne la fondation du monastère et plausible pour le nom du prince qui a dirigé l’expédition des moines basiliens de Calabre.
De plus, il ne faut pas manquer le retour dans l’histoire des moines basiliens : Pantaleone était lui-même basilien. Mais pourquoi un groupe de moines basiliens devrait-il aller fonder un monastère dans un pays si éloigné et situé sur le territoire de Godefroy de Bouillon ? Le roi insaisissable Ursus pourrait raisonnablement être le même Godefroy de Bouillon. En fait, il semble logique de supposer que c’est ce dernier, après la conquête de l’Italie du Sud et de la Calabre, qui a invité les moines à se rendre en France. Ce qui manque cependant, encore une fois, est le lien entre les Buglione et le prince Ours. Selon les Dossiers secrets du Prieuré de Sion, Godefroy de Bouillon serait un descendant de la lignée mérovingienne. Ci-dessous, nous montrons l’arbre généalogique de la famille de Godefroy :
Toujours selon les documents du prieuré, le prince Ursus, Sigisbert VI, a mené une révolte contre le roi Louis II sans succès. Godefroy pourrait, de ce point de vue, être considéré à juste titre comme le descendant légitime de Prince Ursus, à condition que la généalogie soit fiable et que le Prince Ursus existe réellement. Dans cette hypothèse, Sigisbert IV, fils de Dagobert II, ne serait pas mort dans l’embuscade qui a vu la mort de son père, mais échappé, continuerait à vivre secrètement donnant naissance à l’arbre généalogique illustré. Une chose est certaine, la légende qui lie Mérové à Maddalena est incompatible avec l’année de l’hypothétique arrivée de Marie Madeleine en France (35 apr. J.-C.), à partir de la date de naissance hypothétique de Mérové, en 380. Si nous voulons donner crédit à la légende au I siècle, le lien correct devait être avec Clodomir III. Le doute subsiste quant au fait que Pantaleone pourrait, sur la base de cette légende, représenter symboliquement “l’arbre généalogique” au centre de son travail.
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RÉFÉRENCES :
- Luigi Manglaviti : Calabra Occulta, in: L’Uomo Nuovo. ISBN: 1521308489, 608 pages, 2005.
- Knighttemplar : Les moines de la Calabre et l’Ordre de Sion, 23 juillet 2008.
- Pieta del Pellicano : I Frati Che Rinvennero il Tesoro di Alarico (site officiel).
- Annalia Incoronato : L’abbaye de Santa Maria della Matina. 2 juillet 2013.
- Sabato Scala : Il culto gnostico della Maddalena. Otranto Point.
- CN24 TV : A San Marco Argentano convegno su “Presenze Templari in Calabria”. 26 septembre 2015.
En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).