« Narcissiques et psychopathes: voici comment certaines sociétés écartent du pouvoir ces personnes dangereuses », écrit par Steve Taylor

Au cours de l’histoire, les personnes qui ont accédé à des positions d’autorité ont eu tendance à être celles qui précisément n’auraient pas dû y accéder. Le désir de pouvoir coïncide fréquemment avec des traits de caractère nocifs : l’égoïsme, l’appât du gain, et un manque d’empathie. Et ceux chez qui le désir de pouvoir est le plus puissant ont tendance à être les plus dépourvus de scrupules et à manquer de compassion. Il arrive souvent que ceux qui atteignent le pouvoir présentent des traits associés au narcissisme et à la psychopathie. Les dirigeants psychopathes de l’histoire récente se retrouvent fréquemment à la tête des pays économiquement défavorisés, présentant des déficiences en infrastructures et des institutions politiques et sociales instables. Par exemple : Saddam Hussein en Irak, Mouammar Kadhafi en Libye et Charles Taylor au Liberia.

Mais les psychopathes des temps modernes ne deviennent généralement pas dirigeants des pays riches (on aurait plutôt tendance à les retrouver au sein d’entreprises multinationales). Dans ces pays, les psychopathes sont remplacés par les narcissiques, comme cela se voit aux États-Unis et en Russie.

Car après tout, quelle profession peut être plus séduisante pour un narcissique que la politique, alors que les projecteurs sont constamment braqués sur vous? Les narcissiques pensent qu’ils méritent d’être au pouvoir en raison de leur sentiment de supériorité et de leur propre importance.

Les personnalités narcissiques tendent à avoir soif d’attention et d’admiration. À leurs yeux, ce n’est que justice si les autres se comportent comme des subordonnés en leur présence. Leur manque d’empathie signifie qu’ils n’ont pas d’état d’âme lorsqu’il s’agit d’exploiter les autres pour atteindre le pouvoir ou le conserver.

Ceci dit, le genre de personnes qui nous sembleraient parfaitement adéquates pour l’exercice du pouvoir — empathiques, justes, responsables, et faisant preuve de sagesse — sont naturellement celles qui tendent à l’éviter. Les personnalités empathiques préfèrent se plonger dans la réalité et interagir avec les autres, plutôt que de se placer au-dessus d’eux. Ils ne souhaitent pas contrôler ni se placer en position d’autorité, mais préfèrent l’interaction, et laissent de ce fait le champ libre à ceux au narcissisme et aux tendances psychopathiques plus développées.

Les différents types de leaders

On aurait toutefois tort d’affirmer que seuls les psychopathes et les narcissiques accèdent au pouvoir. Je suggère plutôt qu’il existe trois types de leaders. Les premiers sont des leaders accidentels qui arrivent au pouvoir par privilège ou mérite (ou les deux à la fois) sans vraiment le rechercher, du moins pas consciemment. Le deuxièmes sont plus rares. Ce sont les idéalistes et altruistes. Ils se sentent poussés vers le pouvoir afin d’améliorer la vie des gens — ou encore de promouvoir justice et égalité, et se voient comme les instruments du changement. Les leaders du troisième type sont les narcissiques et psychopathes, ceux dont la quête de pouvoir est purement égoïste.

Bien sûr, ce n’est pas qu’en politique que l’on retrouve ce phénomène. C’est un enjeu que l’on rencontre dans toute organisation hiérarchisée. Au sein de toute institution ou entreprise, il y a de fortes chances que ceux qui accèdent au pouvoir soient les plus ambitieux et sans scrupules, en plus de manquer de compassion.

Les leaders narcissiques peuvent sembler séduisants parce qu’ils sont fréquemment charismatiques (un comportement qu’ils cultivent afin d’attirer l’attention et l’admiration). En tant que dirigeants, ils ont confiance en eux et sont déterminés. Leur manque d’empathie peut, dans certains cas, nourrir un entêtement qui leur permet d’accomplir des choses. Mais en dernière analyse, le chaos et la souffrance qu’ils infligent prendra le pas sur leurs réussites.

Ce qu’il faut, c’est un moyen de contrôler le pouvoir – en limiter non seulement l’exercice, mais aussi l’accès. En bref, le type de personnalités qui sont le plus fortement en quête de pouvoir devraient être écartées des postes d’autorité.

Tout candidat devrait être évalué sur la base de son degré d’empathie, de narcissisme ou de tendances psychopathes afin de déterminer son aptitude à exercer le pouvoir. En même temps, les personnes empathiques à qui l’ambition peut faire défaut devraient être encouragées à accéder aux postes de responsabilité. Même si elles ne le désirent pas, elles devraient se sentir interpelées à le faire, ne serait-ce que pour barrer la route aux tyrans.

Modèles de société

Cela peut sembler absurde ou irréaliste, mais comme je le suggère dans mon livre, The Fall, ça s’est déjà fait. Il existe de nombreuses organisations sociales tribales de chasseurs-cueilleurs où le plus grand soin est apporté afin de s’assurer que des individus inadéquats n’accèdent pas au pouvoir.

Toute personne animée d’un fort désir de pouvoir et de richesse est éliminée d’office dans la course au pouvoir. Selon l’anthropologue Christopher Boehm, les organisations tribales, les tribus de chasseurs-cueilleurs qui persistent aujourd’hui « appliquent des techniques de contrôle social en supprimant à la fois un leadership dominant et la compétition indue ».

Si un mâle dominant tente de prendre le contrôle du groupe, ces tribus mettent en pratique ce que Boehm intitule « la sanction égalitaire ». Elles se mettent en équipe contre la personne dominante, et la mettent au ban ou l’abandonnent. De cette façon, dit Boehm, « les subalternes évitent d’être soumis en gardant un œil vigilant sur les mâles alpha, les plaçant ainsi sous surveillance ».

Tout aussi important, le pouvoir est attribué à des membres du groupe plutôt que sollicité par des candidats. Personne ne se met en avant pour obtenir le pouvoir — d’autres membres du groupe émettent leurs recommandations sur la base de l’expérience et de la sagesse, ou encore parce qu’une personne détient les compétences nécessaires à une situation particulière.

Dans certaines sociétés, le rôle de chef n’est pas fixe, mais se pratique par rotation selon les circonstances. Selon Margaret Power, une autre anthropologue : « Le rôle du chef est donné spontanément par le groupe à certains de ses membres selon la situation. Un chef en remplace un autre selon les besoins ». C’est de cette façon que les groupes de chasseurs-cueilleurs maintiennent stabilité et égalité, et minimisent les risques de conflit ou de violence.

S’il est vrai que les grandes sociétés modernes sont bien plus complexes et denses que les groupes de chasseurs-cueilleurs, il nous serait cependant possible d’adopter des principes similaires. Au minimum, nous devrions évaluer les leaders potentiels sur leur capacité d’empathie afin de bloquer l’accès au pouvoir des personnes narcissiques et sans scrupules.

Nous pourrions également identifier les narcissiques et psychopathes déjà au pouvoir afin de prendre les mesures nécessaires pour limiter leur influence. Nous pourrions peut-être demander aux communautés de nommer des personnes sages et altruistes pour y jouer un rôle de conseil sur les décisions politiques importantes.

Bien sûr cela entraînerait des changements radicaux dans le personnel politique de la plupart des gouvernements, des institutions, et des entreprises. Mais cela permettrait de remettre au pouvoir les gens qui le méritent, et de ce fait rendrait notre monde beaucoup moins dangereux.



À propos de Steve Taylor

Steve Taylor

Steve Taylor, né en 1967 à Manchester (Royaume Uni), maître de conférences principal et chercheur en psychologie transpersonnelle à l’Université Leeds Beckett de Manchester, a particulièrement étudié l’état d’éveil, livrant une synthèse de ses conclusions dans Le saut quantique : Psychologie de l’éveil spirituel.

Il est l’auteur d’une douzaine de livres traduits en une vingtaine de langues. Ses travaux de recherche, s’appuyant sur des enquêtes, l’amènent à conclure que l’état d’éveil est bien un état psychologique en soi dont il a préciser les réalités vécues, ainsi que ses différences avec de l’état habituel des personnes (une sorte de sommeil éveillé) et la continuité entre ces deux états. Il souhaite sortir l’état d’éveil du mythe dans lequel il a été placé, perturbant trop souvent ceux qui sont en recherche, ou ceux qui y sont confrontés de manière soudaine et sans aucune préparation, en particulier suite à un fort bouleversement psychologique, ce cas de figure étant la première cause d’éveil. Ainsi, pour Steve Taylor : l’éveil n’est pas rare ; le Moi égotique est remplacé par un Moi beaucoup plus discret (et indispensable) ; l’éveil amène plus de bien-être la plupart du temps tandis que des perturbations sont fréquentes (intégration nécessaire de l’éveil) ; il est possible de cheminer vers l’éveil (ou approfondir cet éveil) sur la base d’un minimum de connaissances et surtout de pratiques affaiblissant le Moi égotique : en tout premier lieu la méditation, la pleine conscience, le contact avec la nature, le détachement, …

Pour Steve Taylor, la démarche vers l’éveil est portée par une pulsion profonde et forte de la vie vers plus de complexité et de conscience, une pulsion qui est en toile de fond de l’évolution du monde. L’auteur considère que la conscience est l’essence de la réalité, il propose une démarche réconciliant science et spiritualité, il affirme qu’il est nécessaire d’affaiblir les tendances égotiques individuelles ou collectives qui orientent le monde vers un avenir très incertain.

Les travaux de Steve Taylor sur l’éveil, basés sur des enquêtes, sont plutôt bien reçus et confirmés quand ses propositions sur la science et la spiritualité ont ravivé le débat qui porte sur ce qui peut servir de preuve aux thèses développées en psychologie.

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Marylise Dusuel
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« Très contente de vous avoir retrouvé, M. Boulianne, ayant été abonnée pendant longtemps à votre newsletter. Heureuse de constater que vous n'avez rien perdu de votre acuité et qualité d'analyse. »

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