Il me fait un très grand plaisir de partager avec vous un nouvel article que mon collègue Gérard Luçon m’a récemment fait parvenir. Gérard Luçon est un ancien éducateur puis directeur au Ministère de la Justice, ancien directeur de “Handicap International” puis de “Le Chèque Déjeuner” en Roumanie, ancien directeur général d’une société “Off Shore” en Chine (Harbin – HeiLongJiang) et ancien secrétaire général d’un fonds de pension en Roumanie. Officier de l’Ordre National “Steaua României”, il est l’auteur du livre “Aventures, Contes et Histoires Africaines” publié aux éditions L’Harmattan. Il a vécu en France, au Sénégal, en Roumanie et en Chine, suffisamment à chaque fois pour y connaître plus ou moins les gens, leur histoire, leur identité et leur culture. « La liberté d’expression est un bien trop précieux pour qu’on laisse quiconque y toucher, la pire des choses étant de laisser s’installer un “Ordre Moral” en lieu et place de la démocratie et des valeurs fondamentales de notre pays. » Gérard Luçon écrit plusieurs chroniques pour le compte de Agoravox.
La centrale nucléaire de Zaporozhye
Voici un dessin présentant les 2 zones présumées impactées en cas d’explosion de la centrale nucléaire de Zaporozhye, disons la zone d’exclusion et celle de contamination (souce B.Karpov) … J’ai publié ce dessin sur des « réseaux sociaux » pour en discuter avec des amis.
Des remarques et commentaires provenant de ces amis connaisseurs dans ce domaine du nucléaire, de ceux connaissant « l’âme russe », de ceux connaissant l’histoire de cette région d’Europe, j’en ai ressorti 5 axes :
1/- aucune armée « censée » ne va se tirer dessus pour gagner une guerre, ne va contaminer un territoire durant des décennies pour en avoir la propriété sans pouvoir l’habiter;
2/- la zone de contamination couvre une 2ème centrale ukrainienne, celle dite d’Ukraine du sud donc de contamination en contamination nous pouvons imaginer un « désastre européen »;
3/- les russes ne laisseront pas les habitants du Donbass se faire rayer de la carte par un tel scénario sans réagir, et D.Medvedev l’a dit assez clairement, à savoir que l’Occident ne doit pas oublier que de tels incidents pourraient arriver dans leurs centrales; il a aussi rappelé que la Russie dispose d’autres types d’armes.
4/- le gouvernement actuel ukrainien ne manifeste aucun intérêt à garder ce territoire du Donbass, avec ou sans habitants, donc il prend le risque de le sacrifier pour des décennies! Quel peut être le motif d’une telle stratégie? Des fous furieux? Des mystiques? Je crains que nous ne soyons obligés d’ouvrir grand nos yeux (et de réveiller nos neurones) pour comprendre que c’est une voie à étudier!
5/- que chacun prenne une carte et vérifie à combien de km il réside face à la centrale la plus proche, et en France nous sommes servis! Une centrale pète et l’effet domino va rendre tout le pays inhabitable!
Du Peuple ukrainien et de la création de l’Ukraine
Par delà ces 5 points j’ai continué mes recherches concernant l’histoire de cette Ukraine du fait que beaucoup parlent de l’existence d’un « peuple ukrainien”, de l’histoire séculaire de ce pays, de l’intangibilité de ses frontières … sujets que j’ai abordés dans mes précédents articles « L’Ukraine vue autrement » et mentionnés en fin de ce petit travail.
En fouinant dans mes archives j’ai retrouvé ce document, oh combien intéressant, puisqu’il parle de la création de l’Ukraine au XXème siècle et en donne la date. L’Agence de presse Novosti, en 1987, y précise la date de création (par les bolchéviks?) de la R.S.S. d’Ukraine avec Kiev comme capitale le 25 décembre 1917 et de la Fédération de Russie avec Moscou comme capitale également le 25 décembre 1917; je n’ai pas trouvé de trace d’un Etat ukrainien (sous ce nom) avant cette date … par contre vers le IXème siècle on trouve la Russie Kiévienne, aussi appelée Rousse de Kiev, Ruthénie.
Voici le tableau avec les dates des différentes R.S.S.
Conjuguant la 1ère partie avec la seconde et y ajoutant la situation actuelle, depuis l’entrée de l’armée russe et un document récent de Graham Fuller, j’en suis arrivé à ces quelques remarques (le document intégral de G.Fuller, et sa traduction en français par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement, sont en lien en bas de cet article):
Citation de Graham Fuller, Analyste américain : « Poutine doit être condamné pour avoir lancé cette guerre – comme pratiquement tout dirigeant qui lance une guerre. Poutine peut être qualifié de criminel de guerre » (son texte intégral est en fin de document).
Dans ce texte intégral G. Fuller parle aussi de l’état de la presse avec notamment cet extrait : « Mais l’implication la plus dangereuse est qu’à mesure que nous nous dirigeons vers de futures crises mondiales, une véritable presse libre et indépendante est en train de disparaître, tombant entre les mains de médias dominés par les entreprises et proches des cercles politiques, dorénavant soutenus par les médias sociaux électroniques, qui manipulent tous le récit à leurs propres fins. »
Manifestement les politiciens, les médias, les spécialistes de tous poils, ont sous-estimé l’importance de quelques épisodes, entre autres :
• depuis 2014 et le fameux « Maidan » le gouvernement de Kiev fait bombarder des civils dans le Donbass … mais c’était pas grave, c’étaient des russophones ?
• dans ses déclarations en février, au cours de son épique voyage à Moscou puis à Kiev, le locataire de l’élysée a parlé de soldats ukrainiens morts sur la ligne de front … de quelle ligne de front parlait-il si ce n’est celle séparant l’Ukraine des 2 Républiques dites autoproclamées? L’état de guerre existait donc déjà, avant le 24 février;
• avant l’entrée de l’armée russe en Ukraine et dans les deux républiques, la Russie avait officiellement reconnu l’existence de ces 2 républiques, validant donc sa présence sur leur territoire (et à leur demande);… effet Kosovo?
Mais le plus impressionnant derrière tout cela est que tout ce qui arrive nous est présenté comme l’oeuvre du seul Vladimir Poutine, et que le reste de la population, des élus, l’armée sont à ses ordres et les exécutent (sous la contrainte?) … C’est une technique assez simple pour dédouaner un Peuple, et qui a largement été utilisée au XXème siècle!
Cela laisse aussi à penser qu’en ciblant Poutine l’Occident espère s’en sortir et rétablir ses relations avec la Russie: « éliminez vot’méchant chef et on reprendra nos achats de gaz ».
Très peu de gens connaissent « l’âme russe », donc je mets ce texte que j’ai traduit du roumain (auteur Alexandru Mamina) peu après le Maidan (que j’ai déjà mis sur Agoravox en 2014) :
De la Russie : psychologie et politique
En 1812 Napoléon a vaincu les russes à Borodino, puis il a occupé Moscou. N’importe quel monarque européen raisonnable aurait demandé, d’une manière civilisée, une paix. Le Tsar Alexandre 1er était alors de cette sorte de monarques, il s’était entendu avec Napoléon à Tilsit, en 1807. Cette fois, son esprit raisonnable a été accaparé par le sentiment du peuple contre l’occupant, et de ce fait il a refusé de négocier et a continué le combat. Le résultat : les russes sont arrivés jusqu’à Paris où ils sont restés jusqu’en 1818. En 1941 les armées allemandes se sont, elles aussi, approchées de Moscou. Une éventuelle victoire aurait pu signifier la fin de Joseph Visarionovitch Staline, celui-là même qui avait décidé la condamnation de millions de personnes durant la « Grande Terreur ». Néanmoins, au lieu de recevoir les allemands en libérateurs voire simplement avec indifférence, les russes se sont unis autour du géorgien du Kremlin, devenu défenseur de la « Mère Patrie ». Il est vrai que les allemands ont aussi tout fait pour réveiller l’adversité ... ce qui n’a pas manqué de se savoir. A l’opposé nous avons la guerre de Crimée, déclenchée par le Tsar Nicolas 1er en 1853, et terminée deux années plus tard, avec la défaite de Sébastopol. Une guerre qui, non seulement n’a pas déclenché de réel enthousiasme, mais aussi a fragilisé le régime au point que Alexandre II a été obligé d’entamer une politique de réformes. Nous pourrions dire la même chose au sujet de l‘intervention soviétique en Afghanistan. Que pouvons-nous remarquer à partir de ces deux catégories d’exemples ? En premier lieu que la Russie risque d’être vulnérable quand elle déclenche une guerre pour des motifs strictement liés à ses dirigeants, mais qu’elle devient implacable quand elle est provoquée, car c’est à ce moment que se réalise le lien moral entre ses dirigeants et la grande masse de la population, ce qui conditionne, et dans le cas de pays de la même taille nous pourrions dire qui assure, le succès militaire. Le territoire et le nombre d’habitants permettent des retraits stratégiques et de refaire ses effectifs, choses susceptibles d’annihiler la supériorité technique et tactique de l’adversaire, comme cela s’est passé en 1812 et en 1941, tout en se confrontant aux meilleures armées européennes (nous nous référons bien entendu aux guerres conventionnelles). Au deuxième rang on doit remarquer la psychologie spécifique aux russes, qui ne peut être adaptable au système de pensée et à la mentalité occidentale. C’est une psychologie affectivo-apocalyptique, centrée sur le sentiment final du destin, sur la mission historique de la Russie, et aussi sur la vocation du sacrifice pour ses semblables (les siens). C’est la psychologie des steppes, de l’immensité qui pousse à la fois à l’expansion et à la solidarité émotionnelle avec ses proches, et cela contre l’inconnu qui est de l’autre côté de l’horizon. A partir de là nous avons l’importance de la frontière dans l’histoire russe, doublée par la peur de l’invasion par l’étranger, saisissables depuis l’époque de la domination tatare jusqu’à ce qu’on peut appeler l’encerclement capitaliste. Nous ne jugeons pas cette psychologie, nous l’enregistrons. Par elle sont nées des séries de chefs d’œuvres littéraires et artistiques, en parallèle avec une culture inclinée vers le maximalisme éthique et les méthodes radicales. Nous remarquons simplement la différence avec la psychologie cartésienne et pragmatique de l’Occident, plus concentrée sur le calcul opportuniste et individualiste que sur l’investissement affectif et par le sacrifice personnel par amour d’une existence morale supérieure, qu’elle soit l’orthodoxie, l’idée communiste ou la Patrie. C’est de là que nous avons l’explication du comportement « déraisonnable » de 1812 et de 1941, ce qui bouleverse la structure occidentale de compréhension de la politique. Aujourd’hui, il n’y a aucun doute que la mentalité collective des russes a changé. La Mode venue de l’ouest, le consumérisme, la globalisation induisent d’autre sensibilités et attentes, de facture mercantile et hédoniste. Toutefois ce qui reste est le patriotisme lié à la gloire de l’époque impériale, le prestige international, des choses qui motivent les russes depuis au moins deux siècles. Encore beaucoup d’entre eux peuvent supporter le manque et les vexations, si leur pays est une grande puissance. Ceci est la psychologie qui soutient le « poutinisme ». L’ascension de Vladimir Poutine s’est produite, d’une part comme réaction du complexe militaro-industriel face à la suprématie publiquement vue des oligarques dans les années 1990, d’autre part en réponse aux attentes d’une population en voie de paupérisation, lequel leur a offert la compensation idéale par leur appartenance à un Etat qui compte dans le monde. Les puissances occidentales ont négligé cet aspect, ou tout simplement elles ne l’ont pas compris, quand elles ont forcé le détachement de la Russie par l’Ukraine, en utilisant la violence de Maidan. C’est ainsi qu’elles ont réussi à réactiver le sentiment d’agression venant de l’extérieur, c’est-à-dire exactement ce qu’il ne faut pas faire avec les russes. Maintenant Vladimir Poutine contre-attaque et réussit un coup double : il annexe la Crimée et se refait une popularité partiellement érodée ces dernières années. La morale, exprimée de manière plus familière, est qu’il n’est pas indiqué de donner aux russes une chiquenaude, car ils risquent de déclencher une bagarre.
- Nota : Pour les gens intéressés à la version en original, voici le lien : Despre Rusia: psihologie şi politică, publié le 19 mars 2014 par Alexandru Mamina.
Bien évidemment cette guerre va s’arrêter, mais quand? Pour le moment des gens meurent, s’affrontent dans un conflit parfois qualifié de « conflit par procuration », d’où ressortiront exsangues l’Ukraine et les pays de l’Union Européenne; déjà et face aux mauvais payeurs Gazprom annonce des hausses de prix vertigineuses, déjà les factures arrivent dans nos boites aux lettres, les prix sur les 6 derniers mois ont grimpé de manière particulièrement inquiétante et dans tous les domaines, comme si le cours de la mangue et celui de la banane dépendaient des livraisons de l’Ukraine !!! Et nos dirigeants, droits dans leurs bottent, nous parlent d’éolienne, de pets de vaches et de variole du Ouistiti!!!
Liens vers mes articles « L’Ukraine vue autrement » :
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-ukraine-vue-autrement-1-239156.
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-ukraine-vue-autrement-2-239216.
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-ukraine-vue-autrement-3-239562.
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-ukraine-vue-autrement-4-239918.
- https://www.guyboulianne.info/2022/04/29/creation-dun-nouvel-israel-sur-le-territoire-de-lukraine-ils-avaient-deja-parle-de-la-creation-dune-republique-juive-dici-2020.
Lien vers le texte (en anglais) de Graham Fuller : https://grahamefuller.com/some-hard-thoughts-about-post-ukraine.
Lien vers la traduction en français du texte de Graham Fuller (réalisée par le CF2R – Centre Français de Recherche sur le Renseignement) : https://cf2r.org/tribune/quelques-reflexions-difficiles-sur-lapres-ukraine.
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