Comme vous le savez, j’ai publié plusieurs articles au sujet du « Passe Archipel » que les élus locaux veulent instaurer aux Îles de la Madeleine, et pour faire connaître ces articles aux principaux intéressés, c’est-à-dire par les Madelinots et les Madeliniennes, j’avais décidé d’acheter un espace publicitaire de 1/4 de page dans l’hebdomadaire Le Radar. Disponible en kiosque et sur abonnements, le journal aurait été distribué dans 21 points de vente sur le territoire des Îles de la Madeleine, ainsi que sur le traversier Madeleine II, ce qui m’aurait permis de rejoindre les Madelinots et les visiteurs. Signe d’un appui certain, plusieurs de mes lectrices et lecteurs avaient contribué financièrement à ce que ce vœu se réalise. Or le 6 juin dernier, le rédacteur en chef, Raphaël Turbide, m’envoya un long courriel pour me faire part de son refus de m’accorder la possibilité de prendre de l’espace publicitaire. J’ai donc attendu quelques jours avant de lui envoyer ma réponse, en prenant bien soin d’ajouter en copie conforme le propriétaire et directeur général du journal, Hugo Miousse, ainsi que la conseillère publicitaire, Marie-Chantal Gaudet.
Montréal, mardi le 18 juin 2024
CC : Hugo Miousse ; Marie-Chantal Gaudet
M. Turbide,
Vous m'avez écrit le 6 juin dernier pour me faire part de votre refus de m'accorder la possibilité de prendre de l’espace publicitaire dans votre journal Le Radar. En m’envoyant ce message, il est clair que vous faites preuve de discrimination à mon égard et que vous allez à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés (Partie 1, § 15(1)) et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec qui stipule que « toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur [entre autres] les convictions politiques… » (Ch. C-12, § 10)
Je vous rappelle que les tribunaux ont affirmé que l’article 15 de la Charte canadienne protège également l’égalité en interdisant la discrimination fondée sur d’autres caractéristiques qui ne sont pas prévues expressément.
Les deux Chartes, soit celle du Canada et celle du Québec, protègent les libertés fondamentales telles que la liberté de conscience, de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication. En m’interdisant d’annoncer et de diffuser une publicité tout à fait légale, vous m’empêchez de communiquer au public une analyse approfondie sur la politique québécoise, en l’occurrence celle des Îles de la Madeleine, et une information essentielle qui est d’un intérêt général. Vous, ainsi que les autres membres de votre équipe, ne respectez donc aucunement la déclaration du Gouvernement du Canada, qui se lit comme suit : « Les gens doivent pouvoir compter sur des médias libres pour leur fournir des renseignements exacts et des analyses éclairées afin de demander des comptes aux gouvernements. » (Affaires mondiales Canada)
Cela dit, cette déclaration est partie prenante de la plus récente résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la sécurité des journalistes qui fut coparrainée par le Canada en décembre 2019 (A/RES/74/157). Je cite : « Sachant l’importance qu’ont la liberté d’expression et le fait de disposer de médias libres, indépendants, pluralistes et diversifiés et d’accéder à l’information, en ligne comme ailleurs, pour édifier des sociétés du savoir et des démocraties inclusives et pacifiques et promouvoir le dialogue interculturel, la paix et la bonne gouvernance, ainsi que la compréhension mutuelle et la coopération. »
Non seulement me discriminez-vous (avec l’aval de votre patron) en m'empêchant de faire paraître ma publicité dans votre journal, vous m’accusez outrancièrement d’exploiter la situation pour mon profit personnel. Aussi, vous portez un jugement de valeur basé sur vos seules convictions politiques et personnelles, faisant fi des opinions qui pourraient contredire votre propre pensée. Comment pouvez-vous vous permettre d’écrire que je fais des amalgames et que je tire des conclusions qui relèvent d’une lecture très personnelle et très discutable de la situation ? Vous écrivez : « Au lieu d’améliorer la qualité du débat public aux Îles de la Madeleine, vous contribuez à le rendre plus confus. » Ne croyez-vous donc pas que vos lectrices et lecteurs sont assez intelligents pour se forger eux-mêmes leurs propres opinions ?
En refusant de diffuser ma publicité dans votre journal Le Radar, vous avez nui volontairement à ma campagne publicitaire et vous avez empêché les Madeliniennes et les Madelinots d'accéder à une information complémentaire qui les concerne tous.
J’espère donc, M. Turbide, que vous aurez la vivacité d'esprit de corriger votre manquement et de vous raviser en diffusant ma publicité dans votre journal Le Radar à titre compensatoire.
Guy BOULIANNE
Auteur et chroniqueur indépendant, membre de la NFAA, de
AuthorsDen et de la Society of Professional Journalists (SPJ).
Bien que mon courrier électronique ait été ouvert au minimum à huit reprises, je n’ai reçu aucune réponse à mon message, ce qui est un manque flagrant de politesse, de savoir-vivre et de professionnalisme. Je n’ai rien fait de mal à l’encontre de cet hebdomadaire et comme je l’ai mentionné ci-haut, ma publicité était tout à fait légale. Il est donc évident que les personnes qui composent l’équipe du journal Le Radar ont une ligne éditoriale très orientée et qu’elles empêchent tout discours contradictoire. C’est un peu ce qu’écrit le résident de Havre-Aubert, Paul Hebert, sur le réseau Info Madelinot qui compte plus de 14 420 membres actifs : « Ça toujours été comme ça. Il ne peuvent pas être nuls et équitables pour tous. Ils ont toujours un parti pris. On a plus d’information des Îles sur Radio-Canada Matane », ce que souligne aussi Yannick Fournier : « On voit bien clairement le parti pris du média pour “Les Partenaires” ». Danielle Doré ajoute quant à elle : « Je me suis fait censurer! Quand on censure, c’est qu’on a quelques choses à cacher! Ceux qui dénoncent, ce n’est pas pour faire le mal, mais pour informer, ceux qui ne voient rien de cette manipulation ou manigance! Ceux qui cachent la vérité, ils vont tout faire pour discréditer ceux qui dénoncent! J’appelle ça, des crapules! »
Pour sa part, l’avocat québécois André Lafrance affirme que « ce n’est pas un média mais un circulaire de publi-reportage bien ciblé en faveur du pouvoir en place », tandis que Denis Delisle écrit que « le journal doit être la propriété du gouvernement pour cacher les vérités ».
Je tiens à vous faire remarquer que le journal Le Radar ne respecte en rien le Guide de déontologie journalistique publié par le Conseil de presse du Québec et qui stipule ceci : « Les médias d’information peuvent refuser de publier ou de diffuser une contribution reçue du public, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris ou le désir de taire une information d’intérêt public. »
L’équipe de la rédaction ne respecte pas non plus les Droits et responsabilités de la presse, un document publié en 2003 par le Conseil de presse du Québec et diffusé en ligne par le quotidien Le Devoir. Nous lisons au chapitre 2.2.1, intitulé “L’accès du public aux tribunes des médias” :
Le public n’a pas accès de plein droit aux pages des médias écrits ou aux ondes des stations de radios et de télévision. Cependant, la presse a le devoir d’en favoriser l’accès à ses lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs.
Les médias et les professionnels de l’information doivent encourager la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre de points de vue, soit en publiant les lettres des lecteurs, des documents, des communiqués, des opinions, des études, des sondages ou des analyses, soit en réservant au public des périodes sur les ondes. De tels espaces ou temps d’antenne favorisent le débat démocratique et diversifient l’information.
Les organes de presse étant responsables de tout ce qu’ils publient ou diffusent, il en va de même en regard de l’information qui leur provient du public pour publication ou diffusion dans les espaces et les temps d’antenne réservés à cette fin. Il est également de leur responsabilité d’être courtois et ouverts envers leurs lecteurs, leurs auditeurs ou leurs téléspectateurs, et de leur éviter les tracasseries qui pourraient les empêcher de faire valoir leurs remarques, critiques ou récriminations légitimes.
Le débat démocratique, pluraliste et diversifié est véritablement en train de s’essouffler et de disparaître de l’espace public québécois. Je crois que nous en avons ici l’une des preuves les plus évidentes.
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