Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, veut s’attribuer un rôle messianique à Jérusalem, en Israël

Voici mon commentaire qui fait suite à l’annonce du chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, de déménager l’ambassade du Canada en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem s’il devenait premier ministre.

Photos Andre Forget / OLO

Ce que j’attends d’un politicien local comme Andrew Scheer, c’est qu’il serve les intérêts de notre pays avec l’argent de nos impôts, et non pas qu’il dilapide celui-ci dans des aventures qui n’ont aucun intérêt compte tenu des urgences et des besoins actuels de notre nation.

Or, voilà que — s’il est élu Premier ministre du Canada — Andrew Scheer compte faire le jeu des fondamentalistes, des évangélistes et des fanatiques religieux de tout acabit en déplaçant l’ambassade du Canada en Israël à Jérusalem, comme l’a fait son grand maître Donald Trump avec l’ambassade américaine. Ainsi, Scheer veut lui aussi s’attribuer un rôle messianique.

Faut-il vraiment s’en étonner, puisque Andrew Scheer est de descendance juive ashkénaze (Khazar). En effet, il est le fils de Mary Gerarda Therese (Enright), infirmière, et de James Scheer, bibliothécaire et correcteur d’épreuves, diacre de l’archidiocèse catholique d’Ottawa. La famille de son père est originaire de New York. Son grand-père paternel, Harry D. Scheer (juif d’origine autrichienne et roumaine) était le fils d’Oscar Scheer et de Clara Rosenberg. Il est né à New York, aux États-Unis, de parents émigrés juifs, d’un père de Czernowitz, en Autriche-Hongrie (maintenant Tchernivtsi, en Ukraine) et d’une mère de Roumanie. Oscar était le fils d’Alexander Scheer et d’Anna Siegel. Andrew Scheer est la deuxième personne d’origine juive à diriger un grand parti politique au Canada, sur une base non intérimaire.

Faisant preuve d’aucune modestie, Donald Trump se prend lui-même pour le roi Cyrus le Grand, le fondateur de l’Empire perse qui autorisa les Judéens exilés à Babylone à rentrer à Jérusalem, et qui donna l’ordre de reconstruire le Temple de Jérusalem détruit lors de la prise de la ville par Nabuchodonosor. Suite à l’annonce du 45ème président que l’ambassade américaine en Israël serait déplacée de Tel Aviv à Jérusalem, le Premier ministre israélien a déclaré: « Je tiens à vous dire que le peuple juif a une longue mémoire, nous nous souvenons donc de la proclamation de grand roi, Cyrus le Grand, roi de Perse il y a 2500 ans. Il a proclamé que les exilés juifs à Babylone pourraient revenir et reconstruire notre temple à Jérusalem ». Selon toute vraisemblance, Donald Trump est aussi de descendance juive ashkénaze par son arrière-arrière grand-mère, Katherina Kober, née vers 1836 à Kallstadt, de la région du Palatinat du royaume de Bavière (Kober est un dérivé des noms juifs « Jakob » ou « Jakov »).

Lors de la cérémonie d’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem, alors que des soldats israéliens ont tiré sur des manifestants palestiniens, faisant 60 morts et 2400 blessés, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a proclamé à grands cris :

« Le mont du Temple est entre nos mains ! Les actions du président Trump sont saluées comme un accomplissement de la prophétie biblique et il est comparé au roi biblique Cyrus qui a mis fin à la captivité babylonienne et a invité les Juifs à retourner en Israël pour reconstruire le temple à Jérusalem ».

Ne nous méprenons pas, le déplacement de l’ambassade américaine (et peut-être canadienne) en Israël à Jérusalem a pour but ultime la construction du troisième Temple de Jérusalem. Pour Rabbi Yosef Berger, responsable de la tombe du Roi David, la raison de cette position sans précédent depuis la résurgence d’Israël est que Trump a un grand rôle à jouer dans la construction du troisième Temple et la venue du Messie. Il explique : « Il semble illogique que le troisième temple juif soit construit par des non-juifs. Mais les sources rabbiniques déclarent explicitement que c’est ce qu’elles doivent faire pour réparer les torts historiques qui ont été commis. »

Et pour construire ce troisième Temple de Jérusalem, que croyez-vous qu’il faudra faire ? Il faudra certainement détruire la mosquée al-Aqsa et le dôme du Rocher qui se situent sur l’esplanade des Mosquées occupant la majeure partie du mont du Temple. Et que croyez-vous que cela provoquera politiquement ? Ne serait-ce pas le terrible Harmaguédon prédit dans l’Apocalypse (Ap 16,16), qui en parle comme d’un événement à venir : « Ils les rassemblèrent au lieu dit, en hébreu, Harmagedôn ». Le « rassemblement des rois de la Terre » annoncé en ce lieu est un résultat du déversement des sixième et septième coupes, les dernières plaies qui mèneront à son terme « la fureur de Dieu ».

Donc, étant donné que les dirigeants de ce monde se prennent pour des hérauts de l’ère apocalyptique, continuons en précisant que la construction du troisième Temple de Jérusalem annonce, non seulement l’avènement du Messie, mais aussi la venue de l’Antéchrist sur terre :

« Que personne ne vous séduise d’aucune manière; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu » (2 Thessaloniciens 2 2.3-4).

Pour revenir dans l’espace politico-temporel, selon Charles Enderlin : « En brisant le consensus international sur le statut de Jérusalem, ville sainte pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, le président Donald Trump a conduit son pays à l’isolement. Une large majorité de l’Assemblée générale des Nations unies dénonce une décision faisant obstacle à la paix ». En décidant le 6 décembre 2017 de reconnaître la ville comme capitale d’Israël, Donald Trump va à l’encontre de la résolution 476 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui, le 30 juin 1980, déclarait nulles et non avenues toutes les mesures adoptées par Israël « modifi[ant] le caractère géographique, démographique et historique de la Ville sainte ». Un mois plus tard, la Knesset, le Parlement israélien, votait une « loi fondamentale » déclarant la ville, « entière et unifiée, capitale d’Israël ». Le Conseil de sécurité réagissait le 20 août suivant, en votant la résolution 478 demandant aux États membres de retirer leurs missions diplomatiques de Jérusalem. Depuis, à quelques rares exceptions près — le Costa Rica et le Salvador y ont gardé une ambassade jusqu’en 2006 —, Jérusalem n’accueille que quelques consulats, les ambassades étant à Tel-Aviv.

La décision de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem et de reconnaître ainsi la ville sainte comme capitale d’Israël a été commentée par l’écrivain kurde Faik Bulut, spécialiste du Proche-Orient. Tout d’abord par cette démarche, le Président américain Donald Trump manifeste son soutien infaillible à l’État hébreux. Ensuite, Israël fomente sans doute un plan secret qui consiste notamment à judaïser la ville de Jérusalem, a estimé Faik Bulut. « Par sa dernière décision, Trump a montré qu’il œuvrait à la réalisation de ce plan. Néanmoins, la résolution de 1947 des Nations unies stipule explicitement que la ville de Jérusalem n’est ni arabe ni juive ni chrétienne, mais qu’elle appartient à tous les peuples et que par conséquent, elle doit être placée sous contrôle de l’Onu ou d’un comité conjoint, composé de musulmans, de juifs et de chrétiens ».

Et de souligner que la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem et de reconnaître ainsi la ville sainte comme capitale d’Israël se trouvait en contradiction flagrante avec ladite résolution des Nations Unies. « Cette décision a certainement été prise sous l’influence du lobby israélien qui est très actif aux États-Unis. […] D’autre part, les Israéliens prétendent que les vestiges du temple de Salomon se trouveraient enfouis sous la mosquée d’al-Aqsa, ce qui explique les fouilles archéologiques très intenses à cet emplacement. S’il s’avère que le temple de Salomon s’y trouve effectivement, ce site sera proclamé lieu de culte juif », a poursuivi le Kurde.

Israël avait proclamé Jérusalem, y compris Jérusalem-est et le centre historique de la ville, sa « capitale éternelle et indivisible », une décision qui n’a pas été reconnue par la communauté internationale. Le statut de la ville est l’un des problèmes-clés du processus de paix au Proche-Orient. Toutes les ambassades étrangères en Israël se trouvent à Tel-Aviv.

En 1995, le Congrès américain a adopté une loi prévoyant le transfert de l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Mais à cause du statut contesté de cette ville et de l’importance de cette question pour les pays arabo-musulmans, tous les Présidents américains signaient tous les six mois une dérogation à cette loi.


Voici ce qu’écrivait l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) le 15 décembre 2017 :
Les autorités israéliennes doivent boire du petit lait. Leur rhétorique du fait accompli visant à diluer leur violente politique de colonisation et de dépossession des Palestinien-ne-s vient de trouver l’écho politique le plus favorable. La loi du plus fort a fini par porter ses fruits. Les éléments de langage utilisés par D. Trump, sa narration visant à limiter les effets désastreux de cette reconnaissance en en faisant même une chance pour la paix, son silence assourdissant quant aux revendications politiques des Palestinien-ne-s sur Al Qods – Jérusalem… Tout cela est repris par des officines sionistes un peu partout dans le monde pour que d’autres gouvernements emboîtent le pas de celui des États-Unis.
La réaction dithyrambique du CRIF à l’annonce de la reconnaissance de Jérusalem ne s’est pas faite attendre. Se sentant pousser des ailes, sa direction a lourdement insisté auprès d’E. Macron pour que lui aussi « reconnaisse l’évidence ». A cette fin, elle mobilise l’histoire biblique à plein régime. Les liens religieux millénaires des Juifs avec la ville sont utilisés pour justifier l’invisibilisation et la négation des droits des Palestinien-ne-s. Même son de cloche du côté du Consistoire qui a salué la « reconnaissance d’une vérité historique et du lien plurimillénaire du peuple juif avec la ville sainte. » Les offensives diplomatiques palestiniennes visant à faire valoir leurs droits politiques sur la ville sont autant de menaces qu’il convient de neutraliser pour F. Kalifat, l’inénarrable président du CRIF : « (la reconnaissance de D. Trump) est la meilleure des réponses aux tentatives de falsification historique menée inlassablement par les pays arabes et les palestiniens à l’Unesco et à l’ONU sur le statut de Jérusalem ». On croit rêver…
Les habitant-e-s palestinien-ne-s de Jérusalem – ceux qui ont pu rester après les vagues d’expulsion de 1948 et de 1967 et qui sont la cible depuis des années de politiques et réglementations discriminatoires – sont les grands absents de la nouvelle séquence politique amorcée par la reconnaisse étasunienne. Que va-t-il advenir de ces « résident-e-s palestinien-ne-s » sans aucun droit politique dans la ville annexée, et dont l’annexion vient de regagner en légitimité ? Sous l’ivresse de l’impunité qu’elles ne manqueront pas de ressentir, les autorités israéliennes vont-elles accélérer les démolitions des quartiers arabes et l’épuration ethnique déjà à l’œuvre ? Ce n’est pas un hasard si ses partisans essaient de toutes leurs forces de détourner l’attention de cette situation en brandissant l’argument d’un nouveau départ des négociations de paix. L’argument est périlleux, tant il dégouline de mauvaise foi : le statu quo sur Jérusalem n’a pas permis d’obtenir la paix ; peut-être que la reconnaissance de la réalité sur le terrain le permettra. Comme si c’était le manque de légitimité de l’emprise totale des Israéliens sur Jérusalem qui empêchait tout progrès en la matière !
Pourtant, pendant que se donnent à voir ces obscènes manœuvres d’équilibristes, qui plus est au nom de la paix, des Palestinien-ne-s meurent et les blessé-e-s se comptent par milliers. A Jérusalem et en Cisjordanie, en conséquence de la répression violente des protestions et du renforcement du contrôle militaire. A Gaza, bombardée, encore et encore. La colère gronde et grandit dans les pays musulmans à mesure que le contrôle israélien se resserre autour d’Al-Aqsa, renforçant toujours un peu plus le risque de transformer une situation coloniale en un conflit religieux opposant Juifs et Musulmans. Tout cela était prévisible, il ne pouvait en être autrement. D. Trump, B. Netanyahu, leurs alliés du CRIF, tous le savent pertinemment. Et s’en moquent éperdument. Derrière ces éléments de langage pernicieux et narrations mensongères se cachent toujours plus de vies perdues palestiniennes. Et que font les dirigeants européens, à part rappeler solennellement leur attachement à une solution négociée et appeler B. Netanyahu à la retenue, à faire un « geste pour la paix » en gelant la colonisation ? Rien. Ou plutôt si, ils cautionnent : une fois encore, aucune sanction n’est à l’ordre du jour.
Une paix juste ne sera jamais atteinte par le maintien du régime d’apartheid, ni par l’écrasement mémoriel des Palestinien-ne-s.
L’UJFP condamne les falsificateurs d’histoire et les pompiers pyromanes. Il est temps de leur rappeler qu’ils ont du sang sur les mains, eux et ceux qui ne font que regretter.
Le Bureau national de l’UJFP, le 15 décembre 2017 : www.ujfp.org.

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N.D.L.R. : Cet article a en quelque sorte reçu l’approbation de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) qui a accepté de le partager dans son groupe sur Facebook, « Soutien à l’UJFP : Union Juive Française pour la Paix ». Je l’en remercie vivement. (Source: Facebook)

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RÉFÉRENCES :

Annoula Watsu
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