Extrait d’un document intitulé « Saint-Étienne de Bourges et le Fleurdelysé-Sacré-Coeur » envoyé par Guy Boulianne au Curé-Archiprêtre de Bourges Joël Massip le 11 novembre 1997. Le document intégral sera éventuellement publié avec des pièces justificatives.
“Oriflamme est une bannière
Ne cendant roujouiant et simple,
Sans portraiture d’autre affaire”
(Guillaume Guiart)
Quand le roi se battait contre l’empereur ou contre ses vassaux trop turbulents, il avait pour signe distinctif un gonfanon de couleur vermeille unie que l’on appelait oriflamme de Saint-Denis.
L’histoire raconte que lorsque l’empereur d’Allemagne voulut ravir la couronne de Philippe Auguste et envahir la France avec 200 000 hommes, le roi appela à lui toutes les paroisses et trouva 60 000 volontaires. Il se rendit à Saint-Denis pour communier et ramena l’oriflamme avec lui pour prendre part à la bataille.
Les Français eurent à lutter contre un ennemi plus de trois fois supérieur ; ils fléchirent tout d’abord sous le nombre mais “soudain, vers trois heures, du fond de la plaine ensoleillée, apparaît dépliée la Sainte Oriflamme ; une force mystérieuse s’échappe de ses plis : sa vue déconcerte, puis épouvante les ennemis. Ils cèdent, brisent leurs lignes et bientôt fuient de toutes parts”. (1) Cet événement se déroulait en 1214.
Mais quel est donc l’origine de ce mystérieux et redoutable attribut ?
Lors de la première croisade en 1098, “saint André serait apparu trois fois à Pierre Barthélémy pour lui faire connaître l’endroit où, sous l’autel de Saint Pierre à Antioche, la sainte lance qui avait percé le sein du Christ crucifié serait retrouvée… On éxécuta les fouilles à la place indiquée et la précieuse relique apparut”. (2)
Selon Anne Lombard-Jourdan, cette lance était conservée au sanctuaire central des Gaules ; une relique en fut empruntée par Constantin le Grand et emportée en Italie en 312. Baptisée “Lance de Constantin”, cette copie devint la sacra lancea, signe d’investiture de l’empereur germanique ; elle est aujourd’hui conservée à Vienne (Autriche).
Quant à l’antique prototype de cette lance divine, demeuré à l’abbaye de Saint-Denis, il subit une dichotomie de ses éléments et survécut sous la forme de l’oriflamme française. (3)
L’oriflamme de Saint Denis entra dans l’histoire de France lorsque le comté de Vexin (où se trouvait Saint Denis) fut réuni à la couronne. Ce rattachement eut pour effet d’annexer l’oriflamme au pouvoir royal. Désormais l’oriflamme sera levé 21 fois dans 4 croisades et 17 guerres entre 1124 et 1386. Lorsque Philippe Auguste décida de partir pour la croisade, le 21 janvier 1188, il adopta sur sa tenue une croix rouge en s’inspirant de la couleur de l’oriflamme qui apparut pour la dernière fois dans un combat en 1415.
L’oriflamme avait un caractère religieux et sa levée était entourée de tout un cérémonial. Les reliques de Saint Denis étaient d’abord exposées publiquement, puis le roi venait s’agenouiller devant l’oriflamme avant de le confier à un chevalier parmi les plus braves. Celui-ci jurait solennellement de le porter pendant le combat et de ne jamais l’abandonner quoi qu’il arrive. Les autres chevaliers embrassaient l’oriflamme. Au moment de la bataille le chevalier ainsi désigné suspendait l’oriflamme à son cou précédant le roi, mais quand il arrivait en face de l’ennemi il le fixait au bout de sa lance et marchait ainsi devant l’armée royale.
La couleur rouge, on l’a deviné, symbolise le sang des martyrs et l’Église l’attribue aux ornements sacerdotaux pour les messes célébrées les jours qui leur sont consacrés. Il s’agit donc bien ici encore d’une couleur liturgique.
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Sources et bibliographie :
1. Chanoine de Roquetaillade, Les grands pélerinages de France, Saint-Denis, p.30.
2. F. Funck-Brentano, Les Croisades, p.67.
3. Anne Lombard-Jourdan, Fleur de lys et oriflamme, signes célestes du royaume de France, presses du CNRS, 1991.
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En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).