Cet article fut publié dans la Gazette de l’Ours, No.48-49, 15 février 2000 : Il y a quelques années, lorsque je découvris par hasard que notre famille possédait un blason, j’en tirai une singulière fierté. D’autant plus que l’ours en tant que symbole désigne à lui seul l’ancienneté du nom et de la noblesse. Dans le domaine celtique, cet animal était considéré comme l’emblème de la classe guerrière et s’opposait au sanglier, symbole de la classe sacerdotale. D’ailleurs, dans les romans de la Table Ronde, le nom du roi Arthur provenait de la racine galloise « arth », signifiant « ours ». C’est la raison pour laquelle la constellation de la grande ourse était jadis appelée le « Chariot d’Arthur ».
À l’époque des légendes arthuriennes, un peuple venu des lointaines steppes d’Asie franchissait le Danube et allait devenir maître d’un vaste royaume dans le sud-ouest de la Gaule et dans une grande partie de l’Espagne: les Wisigoths ou Goths savants. Or, les Goths portaient l’ours sur leurs étendards et leurs boucliers, et ils se désignaient eux-mêmes comme étant les « fils de l’ours ».
Au cours de mes recherches, j’eu le plaisir de lire des dizaines et des dizaines de livres couvrant une très large période de l’histoire de l’humanité, et une des épopées qui a le plus touché ma sensibilité est celle qui relate l’insurrection de Bernard Plantevelue contre Louis II le Bègue, fils de Charles le Chauve. À ce moment, tout ce que je réussis à trouver sur le sujet se résumait en un seul paragraphe, mais déjà à la lecture de ces quelques lignes, un sentiment étrange m’envahit comme si l’écho d’un souvenir lointain résonnait en moi. Cela pourra paraître curieux au lecteur, mais j’avais l’impression d’avoir été présent lors de cette bataille cruciale pour la légitimité du trône. C’est une sensation qui ne s’explique aucunement par le verbe… c’est plutôt une question de vibrations.
Un des personnages qui combattait aux côtés de Bernard de Septimanie se nommait Ursus, c’est-à-dire « Ours » en latin. Cela touchait mes cordes sensibles, mais je ne pouvais savoir si ce personnage avait réellement existé ou si ce n’était qu’une fiction, créée de toutes pièce par un écrivain mythomane.
J’eus la chance, lors de mon second voyage en France, de me faire remettre un précieux document réunissant plusieurs tableaux généalogiques et portant le titre suivant: Dossiers Secrets d’Henri Lobineau. (1) Quelle ne fut ma surprise d’apercevoir le nom d’Ursus à la planche No. 2 de ce dossier et ma joie s’intensifia encore lorsque je constatai que le petit-fils présumé de cet Ursus possédait un blason semblable au nôtre: « De gueules à une patte d’ours d’or ». Mais ces « Dossiers Secrets » avaient-ils une valeur historique ou n’était-ce qu’une autre plaisanterie? Cet Ursus qui évoque par son nom un personnage de légende, pouvait-il avoir eu une existence réelle et concrète?
Mes doutes s’estompèrent lorsque je pris connaissance de certains ouvrages dont le sérieux et l’intégrité de leurs auteurs ne pouvaient être mis en cause. Les premiers d’entre eux, les dominicains Dom Devic et Dom Vaisette, mentionnent la présence d’Ursus lors d’une renonciation qu’il fit en 885 avec son beau-frère Théodoric des biens que le feu comte Eckard avait donnés au monastère de Fleury-sur-Loire. (2)
D’autres auteurs affirment pour leur part que le prince Ursus était l’époux de Berthe, soeur du comte Hucbaud, beau-frère de Béranger le Vieux, Roi d’Italie, et gendre de Gisèle, petite-fille de l’Empereur Charlemagne. (3) L’auteur anonyme de l’histoire de la translation des reliques de saint Baudile va même jusqu’à préciser qu’il était vicomte de Nîmes:
« Cum principe Urso, quem comes vice sua misit,
celeriter urbem Nemausum adierunt » (4)
L’existence du prince Ursus n’est donc plus a démontrer puisqu’elle s’appuie sur des textes de première source. Mais se pourrait-il, comme je l’ai suggéré dans mon précédent article, que les De Bouillanne et De Richaud descendent de ce fameux personnage? La similitude entre le blason du prince et ceux de notre famille peut-elle être considérée comme un indice probant à cette hypothèse? N’objectons pas que la couleur des écus est différente car nous savons très bien que les blasons, tout comme les noms de famille d’ailleurs, se modifient sans cesse au fil des siècles et que parfois ils se transforment tant qu’on n’en reconnaît même plus l’origine.
La meilleure preuve que je puisse fournir dans l’immédiat est illustrée à la page 373 de la Mosaïque du Midi de 1840 où l’on retrouve un blason passablement différent de ceux que l’on a l’habitude de voir. (5)
Déjà dans son Armorial Général, J-B Rietstap nous donne deux versions du blason des Bouillanne. Pour les uns la patte d’ours est posée en bande, pour les autres elle est posée en fasce, tandis que pour les Richaud la patte d’ours d’or est posée en bande, les ongles en bas.
Nous n’avons maintenant qu’à comparer ces blasons avec ceux qui sont représentés sur l’en-tête de lettre de notre association pour constater les différentes transformations qui ont été opérées. (6)
Selon Borel D’Hauterive la famille de Richaud se divisa en de multiples branches, dont celle des seigneurs de Gastaud, établie en Languedoc, et maintenue noble en 1699; la branche de Préville et de La Chaumette, établie en Béarn, et qui remonterait sa filiation à la fin du XVIIe siècle; ainsi que la branche des seigneurs de Servoules en Provence. (7) Maintenant observons un peu la transformation des blasons de cette même famille:
PRÉVILLE : « d’azur à une patte d’ours d’or, posée en barre. »
GASTAUD : « d’argent à la fasce d’azur; au lion d’or, couronné à l’antique du même, brochant sur la fasce et surmonté de trois étoiles mal-ordonnées de gueules. »
Les seigneurs de SERVOULES quant à eux auraient porté sur leur blason: « de gueules au lion d’argent. »
Dans le même ordre d’idée, plusieurs indices laissent croire que la famille de Bologne en Dauphiné tire son origine à la même source que celle des Bouillanne et des Richaud. Elle avait formé trois branches; celle des seigneurs d’Alençon, celle des seigneurs de Salles et de Cerson-les-Grignan, et celle enfin qui s’éteignit vers l’an 1600 en la personne de Claire De Bologne mariée avec Benoît Faure, seigneur de La Roche-Saint-Secret de la ville de Valréas, dont les descendants ont conservé le nom et les armes de Bologne. (8 )
Encore une fois nous retrouvons trois blasons différents pour cette même famille. Selon Rietstap les Bologne-Alençon portaient: « d’or à une patte d’ours de sable, posée en bande, montrant le dehors et chargée de six besants d’or, 3, 2 et 1 », tandis que pour Pithon-Curt, les De Bologne portaient un blason similaire, à cette seule nuance que l’écu était d’argent et que la patte d’ours était posée en pal. Pour Rietstap enfin, les De Bologne portaient au contraire: « d’azur au griffon d’or; au chef de gueules, chargé de trois étoiles d’argent ».
Téléchargez le Nobilaire Universel de France, T.5, 1815 – p.317 >>>
Je terminerai ici mon exposé en donnant un autre exemple qui soulignera une fois de plus l’importance des correspondances et des transformations au sein de notre famille.
Le 26 septembre 1583, Marguerite De Bologne épousa Maurice De Gardon. Leur fils Claude De Gardon, seigneur de Châteauneuf, prit le nom De Bologne et commanda la noblesse du Vivarais. Il conserva la patte d’ours sur son blason, mais ce dernier se présentait désormais d’une manière totalement différente:
« Au 1 d’azur à un chien couché d’or; au chef de gueules, chargé d’un croissant du second; au 2 d’argent à la patte arrachée de cinq onglons de sinople, chargé de six besants d’argent, 3, 2 et 1 »
Détenons-nous ici une part importante de la vérité ? Tenons-nous ici une preuve tangible que la famille De Bouillanne et De Richaud descend de ce mystérieux Ursus ?
Le mieux que nous puissions faire ce sont des conjectures entre les dates, les noms et les événements. Pour ma part, j’ai tenté de faire une étude comparative par le truchement de la science héraldique. Si les Dossiers Secrets d’Henri Lobineau disent vrai, rien n’interdit alors que nous soyons petit-fils et petite-filles de cet ours royal puisque le meuble héraldique, comme nous l’avons vu, se transmet de génération en génération au sein d’une même lignée, même s’il se modifie considérablement au fil des siècles.
Dans un prochain article je raconterai l’épopée du prince Ursus et sa participation à l’insurrection contre Louis II le Bègue en 877. Nous verrons quelles étaient ses origines et quel lien historique il pouvait avoir avec la descendance des De Bouillanne et De Richaud. N’ayons pas peur de repousser les limites du temps car « si l’anoblissement était déjà ancien en 1245, alors toutes les suppositions seraient permises ». (9)
NOTES DE RÉFÉRENCE :
- Bibliothèque Nationale de France, Tolbiac – Haut-de-jardin – P88/1867.
- Histoire générale de Languedoc, Édouard Privat Libraire-Éditeur, Toulouse 1872, t. II, pp. 278-279, note rectificative.
- Chenaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la noblesse, 3e édition, Schlesinger frères Libraires-Éditeurs, Paris 1865.
- Abbé Lebeuf, Histoire d’Auxerre, nouvelle édition, t. 1, p. 206.
- « D’argent à deux épées croisées avec une patte d’ours à la poignée de chacune ».
- J-B Rietstap, Illustrations to the Armorial général, Heraldry Today, Londre 1967.
- Armorial général, Société de Sauvegarde Historique, Lyon.
- Jean-Antoine Pithon-Curt, Histoire de la Noblesse du Comté-Venaissin, d’Avignon et de la principauté d’Orange, dressée sur les preuves, [1743], dédiée au Roy, Laffitte Reprints, Marseille 1970.
- Michel Wullschleger, Bouillanne et Richaud: légende ou histoire, in: La Gazette de l’Ours, No. 28, novembre 1994, p. 6.
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En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs AuthorsDen et de la Nonfiction Authors Association (NFAA) aux États-Unis. Il adhère à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).
Bonjour,
Est-ce que vous avez plus de détails sur Claire de Bologne et sur Benoît Faure ?
– que sont devenus leurs 2 fils qui ont assassiné Jean de Vesc
– qui sont les descendants de Claire et de Benoît ? J’ai entendu parler d’un certain Monsieur de La Baume qui serait leur fils
– certains de mes ancêtres sont nés à la Roche St Secret et s’appelaient FAURE
– et qui sont les ascendants de Claire et de Benoît ?
Merci
Muriel Revol
Généalogie des familles nobles : http://jean.gallian.free.fr/comm2/Images/genealog/bologne/p1a.pdf
je pense que nous sommes cousins tout corespond à la lettre de julian richaud merci de me répondre Evelyne descendante de richaud marius la batie des fonds drçome