Fortification et village déserté du XIIIe siècle, Montréal de Sos était l’un des plus importants ouvrages du comté de Foix et dépendait des comtes. Aujourd’hui presque entièrement ruiné, le site égrène quelques rares traces et pans de murs bien peu révélateurs du prestige passé de la forteresse. Mais le mystère qui entoure la fortification quant à ses origines ou à celles des peintures situées dans des grottes juste sous le château, en fait un site de promenade privilégié.
Les premières mentions écrites semblent remonter au XIème siècle, dans le Cartulaire de l’abbaye de Saint-Sernin de Toulouse, lors de diverses donations faites dans la vallée de « Saos » ou de « Seos » à cette abbaye. Il y est question, en 1081 de « saint Martin de Sos » et d’une mention d’Arcona. En 1119, toutes les églises de la vallée de Vicdessos appartiennent à l’abbaye de St Sernin. Selon Baby, le prieuré de Vicdessos était le plus important des 11 prieurés que possédait le chapitre de saint Sernin de Toulouse et appartenait de droit, au chanoine le plus ancien.
Une première mention du « castello de Saos » est faite en 1163, qui est donné par la famille de Rabat au comte de Foix, qui en 1182 donne en fief ses biens à la famille de Quié. Des chartes de coutumes sont données aux habitants en 1188, 1223, 1272, 1293 et 1304 (ADA, 95-96). En 1213, le château de Vic fait partie des fortifications du comte de Foix donné en suzeraineté à Pierre II d’Aragon et en 1272, la vallée de « Sos », avec les châteaux de Montréal et de Vic fait partie du comté de Foix (confirmation après les démêlés entre le comte et le roi de France). Roger Bernard III confirme par écrit les privilèges déjà accordés de “façon immémorable”.
Le « castello de Saos » est un ouvrage de très grande taille, de plan classique pour l’époque, puisqu’il comporte un donjon, des bâtiments annexes et un mur d’enceinte renforcé par des tours. La partie inférieure du promontoire abritait un habitat villageois car on remarque sur le calcaire préalablement arasé plusieurs encoches qui ont permis d’ériger des constructions avec des poteaux en bois. Ces traces d’encoches permettent d’estimer la présence d’un habitat villageois de petite taille au pied du bâtiment seigneurial. Il est certain que le village d’Olbier est né par regroupement au contact de cette fortification.
Cette forteresse avait pour fonction le contrôle de la haute vallée de Vicdessos et s’insérait dans un groupe de fortifications comtales qui formait un glacis stratégique défensif en haute Ariège. Ce bâtiment est donc avant tout un lieu de pouvoir, symbole de la puissance montante des comtes de Foix au XIIIème siècle. Comme la plupart des châteaux, il n’a jamais été attaqué ni assiégé. Il était bien évidemment gardé par une garnison, mais quelques hommes seulement suffisaient amplement.
Au début du XIVème siècle, le réseau de fortifications comtales a tendance à disparaître et seuls quelques grands monuments proches des plus grands bourgs sont encore entretenus. Car il n’est plus nécessaire de conserver autant de châteaux et villes fortes dans le cadre d’une géopolitique beaucoup plus influencée par le clientélisme et les relations diplomatiques et la puissance financière que par les anciennes forteresses. Montréal-de-Sos est alors lentement abandonné, mais l’habitat paysan qu’il avait contribué à mettre en place perdure jusqu’à aujourd’hui sous le nom d’Olbier.
Le château féodal (butte de « Castéras ») fut rasé en 1666. Le dénombrement de 1672 qualifie Vicdessos de chef-lieu de châtellenie comprenant : Arconac, Auzat, Goulier, Ilhier, Olbier, Ournac (village d’Auzat détruit par une avalanche), Orus, Saleix, Sausel (quartier de Vicdessos), Sentenac, Sem, Suc, Vicdessos.
Le trésor… de Montségur à Montréal de Sos
Nous savons de façon certaine que la nuit des rameaux 1244, quatre cathares ont eu pour mission de sauver un très important dépôt. Ils l’évacuèrent de Montségur à la veille de sa reddition, ayant pour mission de le déposer en un « Castrum de So ». Ils suivirent probablement les sentiers du plateau de Lujat pour aboutir à Ornolac. Pierre-Roger de Mirepoix, de son côté, apporta avec lui une autre partie des reliques au château de Montaillou. De là il rejoindra le fort de Lordat… la piste s’arrête ici.
Si Capoulet-Junac bloque en force la vallée de Sos, il est difficile à cette forteresse d’assurer la sécurité des accès au Puymaurens dont on prétend que c’est la seule mission. Il semble, en vérité, que la commanderie soit le verrou qui défend le fond de la vallée : Olbier où se dresse le Mont Royal, son fort, ses souterrains… et son étrange dépôt! En effet, deux ouvrages affirment que Montréal serait la véritable commanderie du Temple et Capoulet une simple garnison. Coincy St Palais et d’Artaran font mention de l’existence d’une crypte antique qui serait « celle de l’initiation des Gardiens du St Graal » et aussi du « témoin ou sont gravés des signes spéciaux ». Ces auteurs s’interrogent sur la vraie destination du château. D’Artaran suppose que seuls 12 chevaliers garnissaient le fort et les identifie aux 12 preux ayant la garde du Graal.
La grotte mentionnée ci-dessus a fait l’objet de débats passionnants… En effet, relevé par M. Mandement vers 1930, celle-ci présente plusieurs peintures rupestres tricolores (rouge, blanc et noir). La plus importante est constituée d’un carré de 40 centimètres de coté, bordé de rouge. Deux carrés y sont inscrits, l’un dans l’autre. Une série de croix dessinées d’un trait double (croix grecque et croix de saint-André, alternativement) encadre le plus petit. D’autres croix sont disposées à l’intérieur de ce même carré, avec des flammes rouges. De la partie supérieure du grand carré, un poignard semble s’échapper de manière oblique. Un soleil (cercle au pourtour rouge et blanc à l’intérieur, comportant des rayons noirs) est disposé à côté de cette lance. Pour finir, six croix sont disposées à l’extérieur de cet ensemble graphique, semblant s’échapper de la même manière que le poignard.
D’après M. Mandement, ces peintures seraient d’origine cathare. De ce fait, une relation étroite serait établie entre ceux-ci et les Templiers, de même qu’avec la Table Ronde. Il semble crédible que cette représentation picturale soit, en fait, un « mémento » extérieur du contenu sacré en place aux tréfonds de la Montagne Royale (Septera Editions).
L’implication de Pierre-Roger IX de Mirepoix
Montségur abrita une communauté cathare importante. En 1215, le concile de Latran cite la forteresse comme étant un repaire d’hérétiques. En 1229, le rôle de Montségur comme abri pour l’Église cathare est réaffirmé dans le traité de Meaux-Paris. À partir de 1232, ce rôle ne cesse de se renforcer.
Parallèlement, le château accueille également les chevaliers faydits qui furent dépossédés de leur terres par le traité de Paris de 1229. Au nombre de ces derniers figure Pierre-Roger de Mirepoix, cousin de Raymond de Péreille qui fut le maître militaire de Montségur.
Pierre-Roger IX (1194-1284) fut seigneur de Mirepoix dans l’Ariège, vassal pour ses terres du Comté de Foix. Prenant une part active côté occitan à la croisade albigeoise, il est dépossédé de ses terres lors du traité de Paris au profit du maréchal Guy de Lévis. Il devient alors un des chevaliers faydits les plus actifs.
Les Lévis sont des seigneurs de l’entourage de Simon de Montfort installés par le biais de la croisade sur des seigneuries anciennement fuxéennes, toulousaines et carcassonnaises. Ils sont donc des seigneurs « français ». Mais la situation pourrait être beaucoup plus complexe que les officiers du roi de France veulent bien le reconnaître, car le seigneur de Lévis, dans cette affaire, a peut être pris le parti du comte de Foix contre le roi de France ou au moins a conservé sa neutralité en ne se rendant pas à l’ost du roi de France à Pamiers en 1272. Voir les accusations portées par le sénéchal de Carcassonne : Bibliothèque Nationale, copie Doat, 82, f° 348. Pasquier 1921, II, p. 333.
En 1234, il rejoint son cousin Raymond de Péreille au château de Montségur. Guerrier chevronné, il va remodeler pendant plusieurs années la structure défensive de la forteresse, puis de l’organisation des soldats. En 1235, il épouse Philippa de Péreille, fille de son cousin, afin d’officialiser l’emprise qu’il a sur le château et sa garnison, sujet qui pouvait irriter certains des autres nobles de la place forte. On sait néanmoins que durant tout le siège, c’est bien lui qui dirigera de facto la citadelle.
Le 28 mai 1242, c’est sur ses ordres qu’une petite troupe de chevaliers faydits et de sergents, partent massacrer Guillaume Arnaud et sa troupe d’inquisiteurs à Avignonet (la légende raconte qu’il aurait demandé la tête de ce dernier pour s’en faire une coupe et qu’on lui aurait, au retour de l’expédition, répondu qu’elle était brisée). Durant tout le siège de Montségur, il assure le ravitaillement du castrum avec ses propres troupes.
Le 2 mars 1244, c’est lui qui va négocier les termes de la reddition (en compagnie de son cousin et seigneur officiel Raymond de Péreille) auprès des croisés (notamment du maréchal Guy de Lévis qui deviendra également seigneur du château après la reddition). Il parvient néanmoins à obtenir, chose assez incroyable pour l’époque, l’amnistie générale pour les membres du commando du 28 mai. Il obtient également 15 jours de trêve pour les assiégés, afin de mettre leurs affaires en ordre, notamment la mise en sécurité du « trésor » de Montségur. Suite au bûcher du 16 mars 1244, il disparaît quasiment dans la nature et fera peu parler de lui. Il est présenté comme châtelain de Lordat en 1272 mais étant donné son âge, il pourrait bien s’agir d’un homonyme.
Après la prise du château en 1244, la possession du pog revint à Guy II de Lévis, Maréchal de la Foi, seigneur officiel de Mirepoix depuis le traité de 1229. Les restes du village cathare furent rasés ainsi que l’enceinte fortifiée extérieure. Le castellum fut restauré et réaménagé pour y poster une garnison d’une trentaine d’hommes qui resta présente jusqu’au Traité des Pyrénées au XVIIe siècle.
Le château de Montréal à Vicdessos devint l’apanage de Guy II de Lévis, seigneur de Mirepoix et de Montségur (1222), de Florensac et de Villeneuve, Maréchal de la Foi (1234) et Maréchal d’Albigeois (1233-34). Celui-ci fut à l’origine d’un très long lignage qui fut promue à la garde et à la protection du trésor caché, et ceci jusqu’à nos jours.
Le Sabarthez et le Graal
Le Sabarthès est cette contrée montagneuse parsemée de grottes impressionnantes, au pied desquelles s’écoule l’Ariège. Parcourue d’âge en âge par les populations celtes, ibères, wisigothiques, elle constitue un véritable livre secret d’histoire. Tarascon-sur-Ariège, gardienne des hauts sommets du Sabarthès a vu les Parfaits Cathares arpenter ses chemins, en files silencieuses. Le Sabarthès comprend dans ses terres le val de Sos, Lordat, Ornolac, tout le pays des grottes, Capoulet-Junac, et Montréal de Sos. Ajoutons aussi le très pittoresque village… d’Orus! Penchons-nous un instant sur les armoiries de cette contrée:
- La devise: « Sabarthez custos summorum » : Sabarthès gardien des sommets!
- Au-dessous des deux têtes d’ours (dans le phylactère) : « Y anire » : Nous irons!
Dans le soleil rayonnant à 16 branches (la pierre de pyrène) se pose un calice (Graal) dont les ailes sont « dans » la coupe et non à l’extérieur (double sens : arrivée du calice par les airs et l’Esprit volatil contenu dans le récipient). Les armes croisées en support : deux lances en croix de St André (les armes de la passion et du sang ainsi que celles du sceau Templier).
Enfin les deux têtes d’ours adossées. Les historiens n’y voient que l’ours des Pyrénées… C’est oublier un peu trop vite qu’Orus est l’anagramme d’Ours et que les Roussillon (Ursus) ne sont pas très loin! Et surtout, enfin qu’Artus est représenté par la constellation de la grande Ourse!
« Les vestiges du passé que nous avons retrouvés nous permettent de voir dans la région d’Ussat à Montségur et à Montréal-de-Sos des centres de la révélation nouvelle du Graal que nous désignerons dès lors comme celle du Graal pyrénéen » – Déodat Roché
En tant qu’auteur et chroniqueur indépendant, Guy Boulianne est membre du réseau d’auteurs et d’éditeurs Authorsden aux États-Unis, de la Nonfiction Authors Association (NFAA), ainsi que de la Society of Professional Journalists (SPJ). Il adhère de ce fait à la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes (FJI).
Très intéressant voir à ce propos le livre de Gérard de Sede Le Secret des Cathares pour plus de détails.