Paul Boyer de Bouillane, l’éminence grise derrière le Grand Monarque

Mrg Charles Pierre François Cotton (1825-1905)
Les armoiries de Mrg Cotton (1825-1905) portant en son centre le Saint Calice.

Nous avons compris depuis longtemps que la lignée des Fils de l’Ours, c’est-à-dire la lignée de Bouillanne (Bollana, Abolena), descend de ce Prince Ursus, lui-même un descendant du roi mérovingien Dagobert II, de Gisèle de Rhedae et de Thierry IV de Narbonne. [1] Ursus était présent lors de la translation des reliques de saint Baudile en 878, l’auteur anonyme précisant qu’il était le vicomte de Nîmes. [2]

Nous avons vu que ces Fils de l’Ours ont toujours été du combat pour recouvrer leur royaume perdu et qu’ils ont toujours été présents derrière les grands événements souterrains qui ont marqué la France. Nous verrons maintenant que cette présence a culminé avec Paul Boyer de Bouillane, l’un des plus éminents magistrats et conférenciers de cette fin du XIXe siècle, et que celui-ci était sans aucun doute l’éminence grise derrière les têtes couronnées et ce qui devait devenir le « mystère de Rennes-le-Château », cette fameuse Rhedae.

Pierre Paul Henri Dominique Boyer naquit à Grenoble le 4 août 1848. C’est l’abbé Charles Pierre François Cotton (1825-1905) qui le prépara à sa première communion.

Pierre Paul Henri Dominique Boyer de Bouillane (1848-1908)
Paul Boyer de Bouillane

Ce pieux ecclésiastique eut sur son âme une forte influence qui grandit avec les années. Prêtre catholique du diocèse de Grenoble ordonné en 1849, il devint évêque de Valence en 1875. Ses armoiries portaient en son centre le Saint Calice, probablement en écho à la Chapelle du Saint Calice de la cathédrale de Valence, en Espagne. Le Saint-Siège a récemment déclaré Valence siège du Saint Graal et a approuvé la célébration du Jubilé tous les cinq ans.

Le jurisconsulte et l’homme politique, qui étaient en germe dans la riche nature de Boyer, trouvèrent dans Grenoble un maître capable d’exciter ses dispositions, pour les canaliser ensuite et les guider, le R.P. Jules Sambin (1820-1892), de la Compagnie de Jésus.

Le nom de ce religieux éminent est connu de ceux qui sont familiarisés avec l’histoire des doctrines et de l’action catholique en France pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Les jeunes gens, avides de savoir et d’agir, allaient en toute confiance lui demander la vérité religieuse et la vérité politique. Ils apprirent, sous sa direction, à raisonner leurs convictions. Ils devinrent plus catholiques et plus royalistes. C’est dans ce contexte que Pierre Paul Henri Dominique Boyer prit part à la fondation du journal l’Unité française, organe des catholiques et des légitimistes dans le département de l’Isère. Il mit son intelligence, son coeur et ses relations au service du Père Sambin, qui créait à Grenoble l’Association des jurisconsultes catholiques. Cette oeuvre fut pour lui, dans la suite, une véritable famille spirituelle. [3]

Paul Boyer de Bouillane était le fils de Austremoine Boyer et de Marie Anne Julie Mathilde Tropenas. Conçue en dehors des liens du mariage, cette dernière était la fille naturelle du magistrat Antoine Henri Etienne de Bouillane de Lacoste, bien que sa mère fut mariée avec André Michelland depuis le 29 juillet 1829. En effet, tous les éléments en notre possession indiquent que Bouillane de Lacoste était le véritable père de Mathilde Tropenas. Il l’adopta à sa majorité, le 28 octobre 1841, après que André Michelland fut décédé.

Paul Boyer de Bouillane comprit rapidement l’importance d’adopter le nom de son grand-père naturel pour son avenir et celui de sa postérité. Le 9 septembre 1874, il reçut l’autorisation officielle d’ajouter à son patronyme le nom de sa famille de sang, de Bouillane, et de s’appeler à l’avenir Boyer de Bouillane, nom désormais transmissible. [4] Paul Boyer de Bouillane était le demi-frère du célèbre homme de lettres Philoxène Boyer, né du premier mariage de Austremoine Léger Boyer avec Françoise Célinie Moutet.

Décret du Président de la République Français (9 septembre 1874).
Décret du Président de la République Français (9 septembre 1874).

Trois ans plus tard, il fut nommé substitut à Valence. Magistrat loyal, il ne sacrifia rien de sa conscience ni de sa foi. Cette fierté dans l’accomplissement de tout son devoir attira sur lui la foudre républicaine ; le ministre de la Justice le révoqua de ses fonctions en 1879, après sept années de service. Paul Boyer de Bouillane dira : « On me révoque, mais je ne démissionne jamais ». Le substitut révoqué se fit alors inscrire au barreau de Valence. Mgr Cotton, aux prises avec les persécuteurs de la foi, le choisit pour son conseil éclairé et son défenseur; les victimes de la République lui confièrent le soin de plaider leur cause.

Paul Boyer de Bouillane et les Légitimistes

Henri d'Artois, « comte de Chambord »
Comte de Chambord

Son séjour à Grenoble l’avait mis en relation avec la famille Nicolet. L’harmonie des idées et des sentiments forma bientôt ces liens qui préparent peu à peu les unions indestructibles d’un jeune homme et d’une jeune fille. Mgr Cotton, le père spirituel de Paul Boyer de Bouillane et l’ami de la famille Nicolet, donna aux deux époux la bénédiction nuptiale.

Le voyage de noces les amena au château de Frohsdorf en Autriche, où le Comte de Chambord leur fit l’honneur de les recevoir. La vie dans ce « Petit Versailles » se déroule suivant une étiquette royale. La comtesse de Chambord est entourée de deux dames d’honneur. Il faut compter aussi deux chapelains, un médecin et le fidèle secrétaire Moricet, ancien combattant de la dernière guerre de Vendée. Il y a tous ces partisans qui défilent dans le château pour rendre hommage au « Roi de France » ou déambulent dans le parc aménagé à la française. [5]

C’est dans cette ambiance royaliste que Paul Boyer de Bouillane sera mis en relation avec Gaston-François-Christophe de Lévis, qui assure le rôle de ministre du Comte de Chambord. Celui-ci est le descendant de l’une des plus anciennes Maison de France, intimement liée à la croisade albigeoise (Guy II de Lévis), à la fondation de la Compagnie du Saint-Sacrement et de Montréal (Henri de Lévis), à l’évangélisation de la Nouvelle-France (Gabriel Thubières de Lévis de Queylus) [6] et à la bataille pour les plaines d’Abraham (François Gaston de Lévis). [7] Gaston-François-Christophe de Lévis est d’ailleurs le petit-fils de ce dernier. Après la révolution de juillet 1830, il refusa de prêter serment au gouvernement de Louis-Philippe, pour rester fidèle à la branche ainée qu’il accompagna dans l’exil, en Écosse et en Allemagne.

Nous pouvons facilement imaginer les secrets qu’ont pu se partager Paul Boyer de Bouillane, Gaston-François-Christophe de Lévis et le Comte de Chambord. Toujours est-il que cette visite donna aux convictions de M. et de Mme Boyer de Bouillane la netteté des vérités vues. La Providence mettait ainsi sur leur chemin les circonstances propres à leur rendre certaines doctrines sensibles. Si Henri V fut pour eux une apparition de la vérité politique, ils vénéraient tout autant l’évêque de Valence, Mgr Charles Pierre François Cotton, en qui ils voyaient un témoin des vérités religieuses. L’héritier du trône de France devait mourir deux mois plus tard dans son exil, le 24 août 1883.

Le château de Frohsdorf en Autriche, aujourd’hui converti en hôtel de luxe.

Le mystère de Rennes-le-Château

Stèle de la tombe de Marie de NègreQu’est-ce qui peut bien unir le Comte de Chambord, Gaston-François-Christophe de Lévis et Paul Boyer de Bouillane au mystère de Rennes-le-Château ? Tout d’abord, mentionnons que le précepteur du comte de Chambord était nul autre que Marie Constant Fidèle Henri d’Hautpoul, neveu de Marie de Nègre d’Able, intimement liée à l’histoire de Rennes-le-Château. Les familles d’Hautpoul et de Nègre d’Able avaient de très anciens liens de parenté avec la famille de Lévis. En effet, Beaudoin d’Hautpoul était le petit-fils de Jeanne de Lévis Mirepoix (fille de Guy 1er de Lévis, Maréchal de la croisade albigeoise), tandis que Antoine Ier de Nègre était marié avec Jeanne de Lévis, fille de Jean IV de Lévis, seigneur de Mirepoix, en 1525. [8] D’ailleurs, l’arrière grand-père du ministre du Comte de Chambord, Jean de Lévis d’Ajac, avait épousé en premières noces Anne d’Hautpoul.

Marie de Nègre d’Able épousa en 1732, François d’Hautpoul, marquis de Blanchefort, seigneur de Rennes-le-Château, et devint célèbre grâce à l’étrange pierre tombale qu’elle laissa après sa mort. Aujourd’hui encore cette pierre reste à l’origine de nombreuses légendes et suppositions sur un hypothétique trésor à Rennes-le-Château. [9]

Voici l’histoire racontée par Philippe de Cherisey, alias Jean Delaude (associé de Pierre Plantard de Saint-Clair), dans son document intitulé « Le Cercle d’Ulysse » :

Rennes-le-Château doit sa célébrité à un trésor découvert à la fin du siècle dernier par l’abbé Bérenger Saunière. Nommé curé de ce lieu le 1er juin 1885, ce prêtre est pauvre. Son église et son presbytère sont délabrés. Mais la providence est grande. Voici qu’en novembre 1885, il reçoit la visite d’un envoyé de Marie-Thérèse de Modène, comtesse de Chambord, veuve du petit-fils de Charles X, l’ancien prétendant à la couronne de France. Le délégué que l’on désigne sous le nom de « Monsieur de Chambord » n’est autre que Jean Salvador de Habsbourg-Toscane.

Le comte de Chambord décédé en 1883 ne laisse aucune postérité, sa veuve et ses partisans sont des ennemis de la branche d’Orléans, ce sont eux qui forment un mouvement mérovingien qui existe encore de nos jours, « Le Cercle du Lys », rue de l’Amiral Mouchez à Paris, animé par 350 fidèles… On remet à l’abbé Saunière une somme de 3.000 francs, contre quoi celui-ci s’engage à effectuer certaines recherches de documents dans son église. Entre 1885 et 1891, « Monsieur de Chambord » reviendra six fois pour suivre les résultats de l’opération, versant à chaque passage des dons, soit au total 20.000 Francs.

Au cours des travaux de maçonnerie exécutés par deux ouvriers, ceux-ci découvrirent en soulevant une dalle devant l’autel, un étui de bois contenant trois parchemins se composant de : a) d’une généalogie des comtes de Rhedae depuis l’origine, acte de 1243, qui porte le sceau de Blanche de Castille, b) d’un acte de 1608 de François-Pierre d’Hautpoul, qui donne un complément de généalogie depuis 1240 avec un commentaire en mauvais latin, c) d’un testament de Henri d’Hautpoul du 24 avril 1695, qui porte cachet et signature du testateur.

En 1892, Bérenger Saunière se rend chez Mgr Billard, évêque de Carcassonne, avec comme prétexte de négocier les parchemins. Il reçoit de ce dernier 200 francs, ainsi qu’une lettre pour l’abbé Victor Bieil, alors directeur du séminaire Saint-Sulpice de Paris. Chez Letouzey, il rencontre le novice Émile Hoffet, de passage avec un chartriste de Saint-Gerlach. Le curé Saunière est invité chez Claude Debussy, où il fait la connaissance de Charles Plantard avec lequel il entretiendra une correspondance suivie. [10]

Il serait impensable que Paul Boyer de Bouillane, au vu de sa notoriété et de ses liens avec l’héritier du trône de France, n’ait pas été au courant de cette fabuleuse énigme de Rennes-le-Château, puisqu’elle fait partie d’un plan minutieusement organisé dans le but de restaurer la monarchie. En tant que descendant par adoption du Prince Ursus – issu des seigneurs du Razès – celui-ci agissait en tant qu’éminence grise au sein du Cercle du Lys.

Lors de son aménagement dans le quartier Saint-Sulpice en 1895, il rencontra très certainement l’abbé Victor Bieil, alors directeur du Séminaire Saint-Sulpice [11] et le jeune Émile Hoffet, paléographe et prêtre de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie-Immaculée. La vie d’Émile Hoffet semble comporter deux faces antinomiques car parallèlement à sa stricte orthodoxie catholique il s’intéressa de près aux milieux occultistes. Il fréquenta le jeune Pierre Plantard, lié au Prieuré de Sion, et surtout Georges Monti, alias « comte Israêl Monti », alias « Marcus Vella », qui fut le secrétaire de Joséphin Peladan.

L'étrange similitude entre les armoiries de Paul Boyer de Bouillane et celles choisies par Pierre Plantard de Saint-Clair, co-auteur, avec Philippe de Chérisey, des dossiers secrets d'Henri Lobineau.
L’étrange similitude entre les armoiries de Paul Boyer de Bouillane et celles choisies par Pierre Plantard de Saint-Clair, co-auteur, avec Philippe de Chérisey, des dossiers secrets d’Henri Lobineau.

L’homme reconnu par les Princes et ses Pairs

La réputation du brillant avocat avait franchi depuis longtemps les limites du Dauphiné. Son éloquence entraînante lui valut de nombreuses invitations à parler dans la région lyonnaise et en Languedoc. Un journal de Mâcon, le Conservateur de Saône-et-Loire, a tracé, au lendemain d’une conférence très applaudie, un portrait qui trouve ici sa place :

« C’est un homme dans toute la force de l’âge. Sa taille est un peu au-dessus de la moyenne, et, bien qu’elle soit loin d’être forte, les muscles du corps et du visage sont cependant bien dessinés. Il porte les cheveux coupés courts et les favoris classiques ; sa physionomie, fine et extrêmement mobile, révèle les nobles sentiments dont son âme est pénétrée ; c’est l’image fidèle de sa pensée. Sa démarche lente, son geste grave, élégant et mesuré, annoncent l’homme du monde d’une haute distinction. Son oeil, vif et puissant réflecteur de son intelligence, semble contribuer à donner à son front vaste le sceau du génie, ou au moins ce je ne sais quoi qui intéresse et dispose favorablement bon gré mal gré. Sa parole brève, mais claire et sympathique, indique suffisamment le caractère du magistrat, un caractère que contribuent seuls à donner une haute et brillante éducation et un coeur droit. Ajoutez à cela un organe où semblent s’analyser, se combiner les sentiments généreux dont l’âme de l’orateur est remplie, et vous aurez un portrait assez ressemblant, bien qu’au-dessous de la vérité, de l’éminent conférencier ».

Valence n’offrait pas à un avocat du talent de Boyer de Bouillane une activité suffisante. Il quitta cette ville en 1885 pour s’installer à Nîmes, siège de Cour d’appel. « Personne ne savait mieux ourdir la trame d’une résistance légale ou conseiller et guider une résistance illégale, mais légitime ». [12] Son activité suffit à tout, et, en tout, il se montra sans effort un homme supérieur. Il donna beaucoup à la presse, représentée à Nîmes par le Journal du Midi, comme il l’avait fait à Grenoble et à Valence. Il se jeta avec ardeur et esprit dans la mêlée politique ; son ami Bernis eut en lui le collaborateur et le porte-parole qui convenait le mieux au tempérament nimois. Cet orateur et ce causeur, plein d’esprit, criblant ses adversaires de traits acérés, ayant au coeur les saintes haines du mal et des malfaiteurs, gardait toujours cette distinction de gentilhomme et cette mesure dans les coups portés, qui forcent l’estime des adversaires. On ne lui connaissait pas d’ennemi. C’était l’effet de son désintéressement personnel, de sa loyauté et de l’indépendance de son caractère.

L’intelligence qu’il avait des conditions faites aux hommes par leur vie en société, ici encore, l’empêcha d’élever entre les besoins spirituels des individus, leurs intérêts temporels et la vie nationale, une cloison étanche. Tout se tenait devant son esprit comme dans la nature des êtres qui vivent. Cette disposition explique la préférence qu’il donna à deux oeuvres : celle des Cercles catholiques d’ouvriers et celle des Jurisconsultes catholiques. [13] La fidélité qu’il conserva toute sa vie à l’une et l’autre maintint ses idées et son action dans un équilibre stable, que bien peu parmi ses contemporains eurent la bonne fortune de garder.

Le Cercle catholique d’ouvriers… ou le Cercle du Lys

Les Cercles catholiques d’ouvriersÀ l’oeuvre des Cercles, Paul Boyer de Bouillane reconnut tout de suite le maître qui défendait l’influence véritable, parce qu’il possédait la doctrine. Pendant que le plus grand nombre s’en tenait à Albert de Mun, l’éloquent et disert porte-parole de l’école, il alla droit au marquis de La Tour du Pin La Charce, qui pensait, écrivait et causait. Il admira ce qu’avaient inoculé à sa belle intelligence et à son jugement fin, une tradition familiale de sept siècles, la fréquentation assidue de Le Play au terme de sa carrière, et enfin une longue suite d’observations personnelles faites sur des types fort divers.

Les défauts que des critiques sévères ont vus dans les écrits de M. de La Tour du Pin n’eurent à ses yeux que leur importance véritable. Il dégageait, telle qu’elle était, la pensée de son maître et ami, d’une forme défectueuse, pour la distribuer dans un cadre juridique. Faute d’avoir pris cette peine, d’autres ont trouvé dans les articles du maître ce qu’ils n’avaient point à y chercher.

Fils aîné d’Humbert de La Tour du Pin, marquis de La Charce, et de Charlotte-Alexandrine de Maussion, François-René de La Tour du Pin est issu d’une vieille famille de la noblesse dauphinoise, catholique et royaliste. Il épousera en 1892 sa cousine, Marie-Séraphine de La Tour du Pin Montauban, dont il n’aura pas d’enfants. À la mort du comte de Chambord, en 1883, La Tour du Pin reporte sa fidélité royaliste sur l’aîné des Orléans, Philippe, comte de Paris, qu’il rencontre à Eu. Au début 1885, de passage à Rome, il est reçu par le pape Léon XIII. En 1891, contrairement à Albert de Mun, il refuse le ralliement des catholiques français à la Troisième République.

Paul Boyer de Bouillane ne laissait rien perdre des écrits de M. de La Tour du Pin. Articles de revues et articles de journaux, soigneusement découpés et classés, constituaient des volumes d’une consultation facile. C’est dans ce précieux recueil qu’il prenait sa direction avant de parler. « Nous avons là toute notre doctrine politique et sociale, disait-il, quand donc la publiera-t-on ? Cet ensemble d’écrits nous rendrait les plus grands services ». C’est grâce à la générosité de Boyer de Bouillane et au travail de Mlle Élisabeth Bossan de Garagnol que l’on peut lire aujourd’hui « Vers un ordre social chrétien. Jalons de route, 1882-1907 ».

M. de La Tour du Pin aime à dire que l’Oeuvre des Cercles eut son point culminant en l’année 1889. Les idées directrices de l’Oeuvre avaient reçu leurs formules ; une organisation précise étendait son réseau à la France entière. On se connaissait, on pouvait se compter, on savait que faire et où aller. L’oeuvre avait, pour la guider, une école dans son propre sein : l’action tendait à faire passer les idées dans la vie publique. La doctrine et l’action avaient pour terme le rétablissement de l’ordre social chrétien en France. [14]

Il est clair que les Cercles catholiques d’ouvriers sont une émanation de la Compagnie du Saint-Sacrement, une société catholique secrète fondée en 1630 par Henri de Lévis, duc de Ventadour et vice-roi de la Nouvelle-France, parmi laquelle on retrouvait de nombreuses personnalités marquantes du XVIIe siècle, dont : Saint Vincent de Paul, François Fouquet (archevêque de Narbonne et frère du surintendant Nicolas Fouquet), Jean-Jacques Olier (fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice et de la Société Notre-Dame de Montréal), Nicolas Pavillon (évêque d’Alet-les-Bains située à 10 Km de Rennes-le-Château) et François de Laval (évêque de Québec).

Tout comme les Cercles catholiques d’ouvriers, la création et l’œuvre de la Compagnie du Saint-Sacrement s’inscrivaient dans le mouvement de Réforme catholique née de la volonté réformatrice du Concile de Trente au milieu du XVIe siècle. Si elle était officiellement un organisme de charité dont la mission était de faire « tout le bien possible et éloigner tout le mal possible », elle était surtout un moyen détourné par le pape, qui y voyait un moyen de compenser l’Inquisition devenue une prérogative de l’État. Nous invitons les lecteurs à lire l’Instruction sur l’oeuvre, publiée par les cercles catholiques d’ouvriers en 1887, pour comprendre la similitude qu’il y a entre les deux organisations. [15]

In hoc signo vinces, Rennes-le-ChâteauCe n’est certainement pas un hasard si la devise des Cercles catholiques d’ouvriers, « In hoc signo vinces » (par ce signe tu vaincras), se retrouve au sommet du porche de l’église Sainte Madeleine, à Rennes-le-Château. Elle fut plus tard adoptée sur le drapeau du prince Louis-Charles (1831-1899), fils de Karl-Wilhelm Naundorff. Cette croix et sa légende rappellent la vision de Constantin et peut-être de toute son armée, vision qui apparut dans le ciel, peu de temps avant la bataille contre Maxence, le 28 octobre 312, au Pont Milvius, près de Rome. La victoire de Constantin détermina l’avenir du Christianisme.

Un autre personnage clé a joué un rôle primordial dans l’histoire de Rennes-le Château et des Cercles catholiques d’ouvriers. Il s’agit de Alfred Saunière, frère de Bérenger, qui fut à plusieurs reprises le président du Cercle Catholique de Narbonne. Christian Doumergu [16] dit à ce sujet : « Il était un des orateurs les plus brillants du Cercle de Narbonne, mais aussi une de ses plumes les plus offensives ! Alfred Saunière est un pivot central, un acteur incontournable, au sein des réseaux légitimistes audois. Et du coup un acteur sans qui on ne peut comprendre les sommes importantes arrivées entre les mains de son frère à Rennes-le-Château. Les familles qui ont donné de l’argent à Bérenger Saunière sont les mêmes qui constituent la structure dirigeante du Cercle de Narbonne ! Incontestablement, Bérenger a donc été introduit auprès du Cercle ». [17]

L’histoire de Jean-Marie-Alfred Saunière est encore pleine de zones d’ombres mais on sait que son action à Narbonne, en véritable militant qui aurait signé des articles dans le Courrier de Narbonne ou encore par son rôle au sein du Cercle Catholique de la même ville, n’a pu être étrangère à la réussite des desseins du curé de Rennes-le-Château, notamment lorsque celui-ci s’efforce de restaurer son église. [18] « Dans la guerre que se livrent alors les deux France – la catholique et la laïque – ce type de voix est une arme décisive », affirme Christian Doumergu. « Bref, c’est un acteur clé de sa propagande. C’est par son intermédiaire que plusieurs des membres les plus importants ont fait des donations, importantes, au curé de Rennes-le-Château. A commencer par la comtesse de Chambord ». [19]

Il est donc absolument impossible que les deux orateurs et polémistes, Paul Boyer de Bouillane et Alfred Saunière, ne se soient pas connus, puisque les Cercles catholiques d’ouvriers étaient tissés comme les multiples mailles d’une immense toile : « On se connaissait, on pouvait se compter, on savait que faire et où aller ».

« D’un rond d’un Lys naistra un si grand Prince,
Bien tost & tard venu dans sa Prouince,
Saturne en libra en exaltation :
Maisaon de Venus en decroissante force.
Dame en apres mascu in sous l’escorce,
Pour maintenir l’heureux sang de Bourbon. »

– NOSTRADAMUS, Centurie XI.4

Assemblée commémorative des États du Dauphiné

L’Oeuvre des Cercles, pour réagir contre l’apothéose de la Révolution française, entreprit de faire passer dans la pratique, avec tout l’éclat possible, sa doctrine contre-révolutionnaire. Elle ne trouva rien de mieux que de se rattacher à la tradition des États-Généraux. [20] Comme en 1788, on préluda par des États des provinces aux États-Généraux, célébrés dans la capitale l’année suivante. Les États du Dauphiné donnèrent le ton. Il fallut les préparer avec le plus grand soin : le succès de toute l’entreprise en dépendait. Le marquis de La Tour du Pin eut pour le seconder Boyer de Bouillane. [21]

Samedi le 10 novembre 1888, eut donc lieu à Romans (Isère) l’ouverture de l’assemblée commémorative des États du Dauphiné en 1788, sous la présidence du général Nugues. Elle a été précédée d’un service solennel célébré à l’église Saint-Bernard. La messe a été dite par l’abbé Charles Barnave, petit-fils du célèbre constituant Dauphinois, et l’absoute donnée par Mgr Charles Pierre François Cotton, évêque de Valence et père spirituel de Paul Boyer de Bouillane. Mgr Anatole de Cabrières, évêque de Montpellier, a fait l’éloge des aspirations libérales des trois ordres en 1870 et de leurs doléances justifiées par les abus de l’ancien régime. Les trois ordres avaient le respect des institutions existantes, tout en réclamant l’égalité civile et la liberté politique. L’orateur a rendu hommage à Le Franc de Pompignan, Malouet et Barnave, et a terminé son discours par une péroraison qui a fait sensation. [22]

N’y voyons-nous que le fruit du simple hasard, alors que cent ans auparavant, 15 Bouillane furent acclamés par les représentants des Trois Ordres se réunissant au Château de Vizille ? Cette assemblée était alors présidée par nul autre que Antoine Barnave, celui-là même qui fut choisi pour défendre la cause des Bouillane (et des Richaud). Barnave écrivait : « Les preuves multipliées de leur noblesse, consignées dans les registres de la chambre des comptes, et le peu de monuments qui leur restent par devers eux, la présentent comme si ancienne, qu’il n’y a pas beaucoup de maisons dans la province qui puissent prouver au-delà ; et quoique depuis longtemps la plupart des individus aient été pauvres, il paroît qu’on les a toujours tenus en général pour d’honnêtes gens ». Voilà que les noms de Barnave et de Bouillane sont à nouveau réunis pour commémorer cette assemblée de Vizille de 1788 ! [23]

Assemblée des trois ordres du dauphiné - Vizille, 1788.
Assemblée des trois ordres du dauphiné – Vizille, 1788.

Mgr Anatole de Cabrières, qui participait à cette assemblée commémorative, est représentatif de ces « Blancs du Midi » restés catholiques tout au long de l’Époque moderne et devenus des fidèles de la branche aînée des Bourbons. Ses convictions légitimistes se muent en simples convictions royalistes après la disparition du comte de Chambord et ne sont nullement cachées par Cabrières. Toutefois, il se fixe très tôt, dès 1855, une ligne de conduite qui ne s’est jamais démentie : les intérêts de l’Église sont supérieurs à « tous les principes politiques si essentiels qu’on les suppose ailleurs ». Né en 1830, passé par l’Assomption de Nîmes dont il reste ensuite proche de son fondateur, Emmanuel d’Alzon, formé à l’école des sulpiciens à Issy et à Saint-Sulpice, il entre dans la carrière sacerdotale comme prêtre du diocèse de Nîmes où il devient secrétaire particulier de l’évêque, Mgr Plantier. Il s’illustre alors par des prises de position légitimistes, ultramontaines et antiprotestantes qui retardèrent sans doute son accession à l’épiscopat, accession qui n’eut lieu qu’en 1873, à Montpellier. [24]

Joséphin Peladan
Joséphin Peladan

Un des représentants les plus importants du mouvement qu’on a baptisé les Blancs du Midi est le chevalier de Saint-Sylvestre, Louis-Adrien Peladan (1815-1890), qui est l’un des publicistes légitimistes les plus célèbres dans son milieu du XIXe siècle. Nous l’avons rencontré parmi les correspondants réguliers de Pierre Sébastien Laurentie, directeur de l’Union et le maître à penser de tous les légitimistes français entre 1830 et 1876. Il est le père du Dr Adrien Peladan (1844-1885), l’un des premiers homéopathes français, et de Joséphin Peladan (1858-1918), écrivain, critique d’art et occultiste français. C’est à son frère que Joséphin Peladan devait son entrée dans une branche toulousaine de la Rose-Croix. En 1888, il fonde avec Stanislas de Guaita l’ordre kabbalistique de la Rose-Croix qui accueille aussi Papus et Charles Barlet.

Prétextant un refus de la magie opérative, il se sépare du groupe en 1891 pour fonder l’ordre de la Rose-Croix catholique et esthétique du Temple et du Graal, appelé également Rose-Croix catholique. Joséphin Peladan côtoie la célèbre cantatrice Emma Calvé qui devint, selon la légende, la maîtresse de l’abbé Béranger Saunière, curé de Rennes-le-Château.

Peladan père n’a rien d’un occultiste ou d’un cabbaliste au sens ordinaire de ces deux termes. Ses œuvres sont davantage les armes de l’intégrisme catholique. Il passa sa vie à écrire, à créer des journaux, à imprimer des images pieuses, à oeuvrer pour le « Grand Monarque », bref, à professer un christianisme tapageur et bien souvent plus que douteux quant à son orthodoxie.  Ses écrits sont dominés par quelques grandes idées que l’on retrouvera chez le fils et, qui, surtout, déterminèrent Joséphin dans la conduite pour laquelle il optera par la suite. Les opinions de Louis-Adrien Peladan sont celles d’un légitimiste classique c’est-à-dire qu’il est partisan du Comte de Chambord, Henri V, dont il publie les lettres en 1873 au moment où une restauration est possible, et est favorable à une certaine décentralisation politique et intellectuelle. [25]

Au service des Rois, des Reines et du Souverain Pontife

Paul Boyer de Bouillane et son épouse quittèrent Nîmes en octobre 1895, après un séjour de neuf ans, pour s’installer à Paris, au 41 rue du Four, à quelques pas seulement de l’église Saint-Sulpice dans le 6e arrondissement. L’accueil qu’il y reçut immédiatement et ses succès n’étaient que la consécration et la récompense des services rendus. Il était alors dans toute la force de l’âge et dans la plénitude de son talent. Il était un conférencier très recherché. Son éloquence, d’une extraordinaire souplesse, s’adaptait à tous les milieux : des auditoires fort distingués, à Paris et dans les principales villes, l’applaudirent avec enthousiasme.

Les Supérieurs des Congrégations religieuses devinrent ses clients assidus. Les lois fiscales qu’on leur appliquait, les fictions juridiques auxquelles on les contraignait de recourir, si elles voulaient échapper à la mort sans phrase, et, en dernier lieu, les mesures prises contre elles à l’occasion de la loi Waldeck-Rousseau sur les associations, les mettaient dans les plus graves embarras. Elles trouvèrent en lui un jurisconsulte au courant de la loi et de la jurisprudence, un avocat pour qui le maquis de la procédure n’avait guère de secret, un homme d’affaires capable de présenter une solution possible.

La Reine consort d’Espagne Marie-Christine d’AutricheDeux famille religieuses eurent avec lui des relations plus étroites : les Dames de l’Assomption et les Petites Soeurs du même nom. Les premières avaient à Paris des établissements prospères, et la présence, à la maison-mère d’Auteuil, de religieuses appartenant par leurs familles à l’aristocratie espagnole leur donnait une situation quasi diplomatique. La Reine consort d’Espagne Marie-Christine d’Autriche prenait grand intérêt à leur sort ; elle voulut, pour ce motif, entretenir leur avocat. Boyer de Bouillane, qui passait par la Suisse sur les bords du lac de Lucerne des vacances agréables avec sa femme et ses enfants, partit aussitôt pour Saint-Sébastien.

Sa Majesté ne lui parla pas seulement de ses protégées d’Auteuil ; elle lui fit l’honneur de le consulter sur des intérêts d’un ordre tout différent dont on ne connaît pas le contenu. Les services rendus de la sorte n’étaient connus que des intéressés ; ils lui valurent des amitiés fort honorables.

Paul Boyer de Bouillane ne cacha pas plus à Paris qu’à Nîmes ses convictions royalistes. À son arrivée dans la capitale, le ralliement mettait en désarroi les partisans de la politique traditionnelle ; les forces catholiques, à peu près unies jusqu’à ce jour, furent irrémédiablement divisées. Sa fidélité politique, très nette, lui permettait de ne pas confondre ce qui dans une nation ordonnée doit être distinct. On le rencontrait à la Gazette de France, dont Gustave Janicot avait fait le rendez-vous des hommes fidèles au Roi ; on le voyait à la Vérité française, chez Mlle Veuillot et auprès de M. Roussel, dont il fut le conseiller et l’ami. Lorsque le progrès de la persécution religieuse annonça la faillite de la politique du ralliement, il travailla à fonder le groupe Tradition-Progrès, en compagnie du marquis de La Tour du Pin, du général Récamier, du colonel de Parseval. MM. de La Tour du Pin et Fernand de Parseval maintinrent la direction des conférences qui s’y faisaient dans l’esprit de l’Oeuvre des Cercles à sa fondation.

Philippe d'Orléans (1869-1926)Boyer de Bouillane mérita toute la confiance de la famille royale. Monseigneur Philippe d’Orléans (1869-1926), prétendant orléaniste au trône de France sous le nom de « Philippe VIII », lui en donna des preuves multiples ; ce Français, en échange d’une fidélité sans réserve, eut l’honneur de se sentir compris et aimé ; il comprit, de son côté, et il aima son Prince. Celui-ci s’enflammait au contact d’un homme si vibrant de vie française, débordant de joie, de vérité, de volonté ; il lui semblait entendre avec lui toute la France, il en oubliait les amertumes de l’exil.

À Paris, il put voir assidument le Duc de Vendôme et d’Alençon, Emmanuel d’Orléans (1872-1931), plus tard « premier prince du sang royal de France » pour les orléanistes. Son Altesse Royale l’avait choisi pour son conseil dans une affaire délicate qu’il put résoudre au gré de ses désirs. Le Prince eut le temps de l’apprécier et de lui donner des preuves multiples de sa confiance. La mort et du Prince et de son serviteur n’a pu briser leur union ; grâce à la bienveillance de LL. AA. RR. Mgr le Duc et Mme la Duchesse de Vendôme, elle s’est continuée sous une forme nouvelle.

Le 9 décembre 1905, le Parlement vota la loi concernant la séparation des Églises et de l’État. L’application ne se fit pas attendre. Le gouvernement de la République, qui déchirait, comme un vulgaire chiffon de papier, un traité le liant au Saint-Siège, eut l’audace de violer l’immunité diplomatique pour satisfaire les passions anticléricales. Ces actes pèseront éternellement sur la mémoire de Clémenceau. Le Souverain Pontife, dans ces circonstances douloureuses, avait besoin d’un jurisconsulte de grande autorité pour lui confier la défense de ses droits. Son choix se porta sur Boyer de Bouillane, qui fut mandé à Rome par dépêche en décembre 1906.

Pie X et son avocat étudièrent les questions en litige. L’unité de vue était parfaite. L’avocat apparut doublé d’un diplomate et d’un homme politique. Il rentra muni des pouvoirs nécessaires et nanti du chiffre diplomatique pour correspondre avec le Vatican. Ce fut quasi un nonce laïque ; bon nombre d’affaires, concernant les évêques, passaient par ses mains. Sa mission eut pour effet de mettre le Saint-Siège en possession de tous les papiers de la Nonciature, que le gouvernement de la République avait mis sous séquestre. Il eut à mettre sa signature et son sceau, à côté de ceux de l’ambassadeur d’Autriche, sur la caisse où on les enferma ; le Nonce du Souverain Pontife à Bruxelles avait ordre de les faire parvenir à Rome.

L’aboutissement d’une longue carrière

Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand
Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand

Le procès de la Haute-Cour et la défense des droits du Saint-Siège furent pour la carrière juridique de Boyer de Bouillane un couronnement, dont l’honneur rayonne sur sa famille. Ce sentiment s’ajoutait en lui à la volonté de remplir tout son devoir au service de l’Église et de son pays pour décupler sa puissance de travail. La vie souriait à cet homme de bien ; il voyait les succès couronner son travail et ses mérites. Sa famille s’élevait avec lui, pendant que les fruits de son labeur enrichissaient sa tradition matérielle est spirituelle.

Paul Boyer de Bouillane fut fait Chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, une décoration accordée par le Saint-Siège, à titre civil ou militaire. C’est l’ordre conféré ordinairement pour services politiques de défense des États pontificaux.

L’ordre est conféré à des catholiques (dans de rares cas à des non-catholiques), en reconnaissance de leur service à l’Église, de travaux inhabituels, de soutien au Saint-Siège, de leur bon exemple dans leurs communautés et pays. L’insigne de l’Ordre porte une représentation de Saint Grégoire sur l’avers et au revers la devise « Pro Deo et Principe » (Pour Dieu et le prince). Il est suspendu à un ruban rouge et or.

Il est décédé le 24 juillet 1908 au Château de Cuirieu, à Saint-Jean-de-Soudain (Isère), à l’âge de 60 ans, laissant aux siens et à ses amis le souvenir d’une existence fidèle aux trois mots de sa devise : « Mon Dieu, mon Roi, ma Famille ». [26] Les obsèques furent célébrées en l’église Saint-Louis de Grenoble au milieu de nombreux parents et amis ; plusieurs étaient venus de Paris et de divers côtés de la France. Sa Grandeur Mgr Paul-Émile Henry, évêque de Grenoble, tint à donner l’absoute. Le Duc d’Orléans se fit représenter par le comte de Miribel, son représentant dans l’Isère.

La fille du magistrat, Marie Boyer de Bouillane était la dame d’honneur de S.A.R. Madame la duchesse de Vendôme. Elle faisait partie du service d’honneur de Son Altesse Royale Mme la Duchesse de Vendôme lors des obsèques solennelles de S.A.R. le prince Emmanuel d’Orléans, duc de Vendôme et d’Alençon, plus tard « premier prince du sang royal de France » pour les orléanistes, célébrées le 14 février 1931 en la chapelle royale Saint-Louis de Dreux. Son frère, Charles Boyer de Bouillane, Capitaine de corvette de réserve et Chevalier de la légion d’honneur, était aussi présent à cette cérémonie où étaient réunis les membres les plus distingués de la haute noblesse. [27]

Le cadet du magistrat, Henry Boyer de Bouillane, Maréchal des logis du 37e Régiment d’Artillerie de Campagne, fut tué d’une balle à la tête, le 6 août 1916, au cours d’une reconnaissance faite pour y installer un canon de 37. [28] Son nom est gravé sur des plaques commémoratives 1914-1918 se trouvant dans l’église de Saint-Sulpice à Paris, ainsi que dans la crypte Notre-Dame des Armées à Domrémy-la-Pucelle, en France. [29] L’épouse du magistrat et conférencier, Jeanne Françoise Thérèse Nicolet, est décédée à Paris, à l’âge de 75 ans le 21 mars 1934. La cérémonie religieuse eut lieu en l’église de Saint-Sulpice, sa paroisse et l’inhumation au cimetière de La Tronche, près de Grenoble.

C’est un bien rare honneur que d’avoir mérité les larmes des pauvres, celles des Princes, et celles du Pape ! De tels regrets consacrent à jamais une mémoire. »

– Cardinal de Cabrières, 1918

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RÉFÉRENCES :

  1. Guy Boulianne, Les De Bouillanne, chevaliers Templiers de la Commanderie de Richerenches.
  2. Abbé Lebeuf, Histoire d’Auxerre, nouvelle édition, t. 1, p. 206.
  3. Catherine Fillon, La Revue catholique des institutions et du droit,
 le combat contre-révolutionnaire d’une société de gens de robe (1873-1906), in Hervé Leuwers, Jean-Paul Barrière et Bernard Lefebvre (dir.), Élites et sociabilité au XIXe siècle, Villeneuve d’Ascq, IRHiS (Histoire et littérature de l’Europe du Nord-Ouest, no 27), p. 199-218.
  4. Bulletin des lois de la République Française, XIIe série, Vol 9, No. 215 à 240, p. 812, Paris 1874.
  5. L’association Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons : Il était une fois … Le château de Frohsdorf et le couvent de Kostanjevica, Grasse, France.
  6. André Vachon, « Thubières de Lévy de Queylus, Gabriel », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003.
  7. W. J. Eccles, « Lévis, François de, duc de Lévis », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003.
  8. Archives départementales de l’Aude, sous-série 66 J, Fonds de Negre. Répertoire numérique établi par Jean Blanc et Sylvie Caucanas, Carcassonne 1997.
  9. Jean-Pierre Lagache, À la découverte de l’Aude et escapades en Ariège, Pays de Sault. L’histoire des Châteaux de Belcaire et de la famille de Nègre, 18 juillet 2011.
  10. Philippe de Cherisey (alias Jean Delaude), Le Cercle d’Ulysse, éditions Dyroles, Toulouse 1977. Bibliothèque Nationale, No. 18244. Diffusé par Rennes-le-Château doc.
  11. Victor Bieil est né en 1835 à Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne) et décédé en 1897 à Salies-du-Salat (Haute-Garonne). Ordonné prêtre de Saint-Sulpice en 1859, il fut directeur du Séminaire Saint-Sulpice, à Paris de 1875 à 1897.
  12. R.P. Dom Besse, « Paul Boyer de Bouillane et son fils Henry », lettre-préface de son éminence le Cardinal de Cabrières, évêque de Montpellier, 1918.
  13. L’Express du Midi, édition de Toulouse, lundi 25 octobre 1937.
  14. Foyer Maurice Maignen, Calendrier historique du Cercle catholique d’ouvriers de Montparnasse, Paris 1855-1905.
  15. Oeuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Guide des fondations, premier fascicule, 1886.
  16. Christian Doumergu, Le Cercle de Narbonne & le mystère de Rennes-le-Château, préface de Gino Sandri, éditions Arqa, mars 2015.
  17. Les Chroniques de Mars, numéro 16. Interview de Christian Doumergue, éditions Arqa 2015.
  18. Jérôme Choloux, Dans les petits papiers d’Alfred Saunière. La passion de Rennes-le-Château, 2015.
  19. Christian Doumergue, Gazette de Rennes-le-Château, 29 mai 2015.
  20. Le journal Le Gaulois, No. 2267 (11 novembre 1888) et le Journal de l’Ain (12 novembre 1888).
  21. Assemblée commémorative réunie à Romans les 10 et 11 novembre 1888 pour le centenaire des Trois Ordres de la Province de Dauphiné tenue à Romans en 1788, compte-rendus et procès verbaux, Valence 1889.
  22. Bibliothèques d’Orléans, Journal du Loiret, 12 et 13 novembre 1888.
  23. Guy Boulianne : Patte d’Ours. Nos ancêtres sont honorés à l’Assemblée de Vizille. 1788.
  24. Champ Nicolas, Blanc du Midi et évêque des gueux, Mgr de Cabrières, compte-rendu de : « Le cardinal de Cabrières (1830-1921). Un siècle d’histoire de la France », par Gérard Cholvy, Éditions du Cerf, coll. « Cerf-Histoire », Paris 2007.
  25. Jean-Pierre Laurant et Victor Nguyen, Les Péladan, Les Dossiers H, L’Age d’Homme, Lausanne, Suisse 1990.
  26. Journal L’Écho Saumurois, 28 juillet 1908.
  27. Le journal Le Figaro, (Numéro 46 – 15 février 1931, p. 2) et le journal L’Express du Midi (Numéro 13.829 – 13 février 1931, p. 1).
  28. « Guerre de 1914-1918. Tableau d’honneur. Morts pour la France ». Publications La Fare, Paris 1921, p. 152.
  29. Sylvain Métivier. Mémorial Gen Web. Relevés de monuments aux morts, soldats et victimes civiles, français et étrangers, tués ou disparus par faits de guerre, morts en déportation, Morts pour la France, relevé n° 10997, 21 avril 2003).

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Alain Karon
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