Le Fils de l’Ours, Guifred le Velu, unificateur et premier comte de Catalogne au IXe siècle

Les armes de la Catalogne, d’or à quatre pals de gueules, sont les armes des comtes de Barcelone, devenues par la suite celles de la couronne d’Aragon, et aujourd’hui reprises par de nombreux États et territoires. Les quatre pals sont couramment appelés les « Quatre barres » ou le « Sang et or »

La légende des quatre barres de sang est une légende expliquant l’origine des armes de la Couronne d’Aragon. Elle apparaît pour la première fois en 1551 dans la Segunda parte de la crónica general de España, une chronique publiée en espagnol a Valence par Pere Antoni Beuter. Cette légende attribue la création de la Senyera Reial au comte Guifred le Velu et au roi des Francs.

La légende veut que Charles II le Chauve, qui, en 870, vient de donner à Guifred le Velu, les comtés d’Urgell et de Cerdagne, lui demande de lui prêter main-forte contre les Normands. Dans la bataille, Guifred est atteint par une flèche. Le soir, l’empereur franc se rend dans la tente du comte catalan, allongé sur sa couche près de laquelle se trouve son bouclier, un champ d’or vierge de tout décor. Il trempe quatre doigts dans la blessure ouverte de Guifré et trace, d’un geste, les quatre barres rouges parallèles, et dit « Voici quelles seront vos armes, comte », donnant ainsi à la Catalogne, ses armoiries d’or à quatre pals de gueules.

Guifred le Velu, né vers 840 et mort le 11 août 897 dans la région de Solsona, fils de Sunifred Ier de Barcelone, est un comte d’Urgell et de Cerdagne (870-897), de facto, sinon de jure jusqu’en 878, de Conflent (896 – 897), de Barcelone et Gérone (878-897), et d’Ausona (886-897). Guifred le Velu est considéré comme le premier comte de Catalogne au IXe siècle. Il était le cousin du Prince Ursus, vicomte de Nîmes et superviseur de l’invention des reliques de saint Baudile à Bouillargues en 878. Tous les deux étaient donc des descendants du roi mérovingien Dagobert II et de la princesse wisigoth Gisèle de Rhedae (Rennes-le-Château).

Guifred est un nom d’origine germanique, Wigfred, qui signifie paix victorieuse. En catalan ce nom a été transcrit sous diverses formes : Guifre, Guifré, Grifé, Jofre et Jofré. En français, on rencontre aussi Vuifred, il est également à l’origine du patronyme de la maison de Jouffroy formée par sa descendance. Dans les documents contemporains de Guifred le Velu, écrits en latin, son nom apparaît sous les formes Guifredus ou Wifredus. Dans la Gesta comitum barchinonensium, écrite en latin entre 1175 et 1195, il est cité sous le nom de Guiffredo ou Guifredo. Dans la Chronique de Bernat Desclot, rédigée en catalan à partir de 1282, son nom est écrit Guifre. Dans les Chroniques des rois d’Aragon et comtes de Barcelone, rédigées en catalan au XVe siècle, il est cité sous le nom de Guiffre. La Genealogia regum Navarrae et Aragoniae et comitum Barchinonae est un texte écrit en latin et daté de 1380, connu par une copie du XVe siècle. On y trouve le nom de Guiffredus. Enfin, dans les Histoires et conquêtes des Rois d’Aragon et Comtes de Barcelone, texte en catalan de 1438, Guifred le Velu est mentionné sous le nom de Grifa.

Le personnage historique de Guifred le Velu est rapidement oublié au profit de sa construction mythologique. Posé comme origine de la lignée des comtes de Barcelone, les rois d’Aragon cherchent à en tirer une légitimité et lui donnent le titre de Père de la patrie. Ce titre Pater Patriae est d’origine romaine et désigne à l’origine le Romulus légendaire de la fondation de Rome. Dans le cas de Guifred le Velu, il apparait dans la Genealogia regum Navarrae et Aragoniae et comitum Barchinonae (1380), dans la partie concernant la généalogie du futur Jean Ier d’Aragon et lui est attribué à la fois au titre d’initiateur de la lignée mais aussi de combattant contre l’Islam. La légende médiévale autour de Guifred le Velu est reprise durant la Renaissance, réactualisée lors de la Guerre des faucheurs (1640-1652) et la Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) et ressortie de l’oubli lors de la Renaixença au XIXe siècle, renforçant chaque fois un peu plus son image de père de la patrie.

Le surnom de Guifred le Velu, quant à lui, viendrait de son extrême pilosité corporelle.

Peu d’éléments de la vie de Guifred le Velu étant connu au Moyen Âge, de nombreux faits issus de la Légende de Guifred le Velu que l’on trouve recopiée dans la Gesta Comitum Barchinonensium, un texte écrit en latin daté de 1180, se sont imposés.

La Gesta Comitum Barchinonensium est une chronique écrite originellement en latin par des moines du monastère de Ripoll qui détaille les origines légendaires de la Maison de Barcelone, la succession généalogique des comtes de Barcelone et sa continuité dynastique chez les premiers rois de la Couronne d’Aragon. La première rédaction du texte date de la fin du XIIe siècle et a donné lieu postérieurement à plusieurs ajouts. Ce texte, probablement fruit d’une commission royale, a servi de base pour d’autres chroniques plus récentes, comme celle de Bernat Desclot.

La légende situe les origines de Guifred d’Arria, père de Guifred le Velu dans le village de Ria, dans les environs de Prades. Le texte cite « un chevalier de nom Guifred originaire d’une ville nommée Arria, qui est en territoire du Conflent, touchant la rivière Têt, près du monastère de Saint-Michel-de-Cuxa ». Le château de Ria, bien qu’aujourd’hui détruit, est très connu car c’est là qu’est né et a vécu le comte Guifred le Velu (927), unificateur de la Catalogne. Il apparaît très tôt dans l’histoire locale. Après la pacification du Roussillon par les troupes de Charlemagne, ce dernier favorisa l’implantation de grandes abbayes, centres culturels et religieux de civilisation. Ainsi fut créé l’abbaye de St Michel de Cuxa, qui aura un impact dans tout l’Europe.

Pour protéger la vallée de la Têt, où se trouvait cette abbaye, le comte de Cerdagne fit construire un château à Ria destiné à en verrouiller l’accès, château qu’il occupa. Sa première mention date de 855, Ria (sous la forme « Arria ») est cité en tant que possession de la puissante et toute jeune abbaye St Michel de Cuxa. Il a été construit sur le pic rocheux à 440m d’altitude, qui était le site d’un ancien château wisigothique des Ve et VIe siècle, lui-même construit sur l’emplacement d’une ancienne tour de surveillance romaine de la Via Confluentana (-118 avant JC).

Un document trouvé au XVIIIe siècle et daté de 888 vient contredire cette origine et permet d’établir que Guifred le Velu est le fils de Sunifred Ier d’Urgell et de son épouse Ermessende. L’ascendance de Sunifred est elle-même incertaine et en fait soit le fils de Bello de Carcassonne soit, de manière plus vraisemblable, le fils de Borrell I d’Osona. Les origines de l’un et de l’autre sont inconnues, hormis le fait que ce sont tous deux des seigneurs wisigoths. Bello de Carcassonne (mort vers 812) est le premier comte de Carcassonne connu, mais a aussi été comte de Roussillon, d’Ausona, d’Urgell, de Cerdagne, de Besalú, de Conflent et marquis des Marche d’Espagne. Borrell I d’Osona (mort vers 820), a quant à lui aussi été comte d’Urgell, de Cerdagne, d’Ausona et de Conflent.

Le blason de Catalogne est l’un des plus anciens blasons existant. Sa première apparition claire date de 1149, dans un sceau de Ramon Berenguer IV, même si auparavant on avait déjà pu l’observer en tant que « symbole préhéraldique » sur les tombes de Ramon Berenguer II (qui date de 1082) à la cathédrale de Gérone, et de son arrière-grand-mère Ermessende de Carcassonne (qui date de 1058) qui fut l’épouse de Ramon Borrell Ier. Le nombre des pals ne s’est fixé à quatre que progressivement : de nombreuses représentations du xiie siècle nous montrent des écus à trois, cinq ou deux pals. Après le mariage de Raymond Bérenger IV avec Pétronille d’Aragon en 1137, les armes de Barcelone devinrent les armes de la couronne d’Aragon et se diffusèrent dans l’ouest du bassin méditerranéen, portées par les cadets de la maison royale.

Les armoiries des comtes de Barcelone se sont transmises dans leurs États, reprises, dans une forme différente, par certains de leurs vassaux, par des villes dépendant d’eux ou par des territoires issus de leurs possessions. Les armes aux quatre pals furent également transmises en guise d’augmentation à de nombreuses familles vassales des rois d’Aragon.

Les armes des comtes de Barcelone furent utilisées très tôt comme une bannière. Le drapeau catalan, connu comme la Senyera, a donné naissance à de nombreux autres drapeaux.

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